Je voudrais raconter, d’après mes notes et souvenirs d’autrefois, un incident de politique orientale qui a fait quelque bruit il y a vingt ans, l’essai de gouvernement constitutionnel tenté par le Sultan actuel au début de son règne. Cet épisode a été court : il se résume en une exposition solennelle, quelques scènes ambiguës et un brusque dénoûment. Commencé au lendemain de la mort mystérieuse d’Abdul-Azis et de la relégation de Mourad, au moment où le prince qui venait de ceindre le sabre d’Othman était aux prises d’abord avec la diplomatie des Puissances, ensuite avec les armées de la Russie, il s’est poursuivi pendant la guerre, puis s’est terminé obscurément, perdu dans le bruit du drame qui préoccupait l’Europe. Il est maintenant oublié, ne se rattachant plus aux faits contemporains ; mais enfin c’est de l’histoire : j’en puis parler en connaissance de cause et avec quelque détail, ayant été, durant tout le cours de ces péripéties, chargé d’affaires de France à Constantinople, et il me semble qu’il y a un certain intérêt, ne fût-ce qu’au point de vue de la psychologie levantine, à en retracer les origines, le caractère et l’issue. Beaucoup de gens ont cru surprendre là l’influence victorieuse des idées occidentales ; à mon sens, il n’en est rien, et ce récit
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Apparence
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SOUVENIRS D'UN DIPLOMATE
UN ESSAI
DE RÉGIME PARLEMENTAIRE EN TURQUIE
(1876-1878)