Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II

La profondeur de la Loire maritime, même lorsque le fleuve est à son extrême étiage et pendant les plus basses mers, permet en tout temps l’accès du port de Nantes aux bateaux d’un tonnage moyen ; et comme on ne saurait mettre en doute que le fleuve a éprouvé un envasement séculaire, il est certain qu’à l’origine de notre ère, le port des Namnètes pouvait recevoir très facilement et à toute marée les plus gros navires de mer de l’époque. Le lit de la Loire présentait même alors une largeur bien plus considérable ; et, sans parler des endiguemens qui l’ont rétréci, il est évident que les vases, les sables, les matériaux de toute nature, charriés par le courant et arrêtés par le flot pendant une série de siècles, ont peu à peu exhaussé bien des bancs, colmaté bien des fosses, comblé bien des anses et soudé définitivement à la rive bien des îles flottantes, qui en étaient autrefois séparées par des « bras morts. » La Loire maritime devait donc très probablement être à la fois beaucoup plus large et beaucoup plus profonde à l’époque celtique et romaine que de nos jours.

Le rocher de Paimbœuf (Pen-bo ou Pen-ochen, tête de bœuf), qui forme aujourd’hui une sorte d’éperon naturel, dont la saillie détermine un brusque changement dans le courant du fleuve, était autrefois en pleine Loire et n’est rattaché à la terre ferme que par des atterrissemens qui ne datent pour ainsi dire que d’hier. L’île dans laquelle sont établies les forges d’Indret n’est séparée de la rive que par un petit canal sans profondeur, sans courant, et qui peut être comblé d’un jour à l’autre ; elle n’a réellement d’île que le nom, et elle le conserve seulement comme souvenir de son ancien état. On peut faire les mêmes observations sur quelques points encore de la rive gauche, avant ou après Indret ; mais cependant, d’une manière générale, la limite de la terre et de l’eau, et le niveau des grandes inondations et des grandes marées sont restés à peu près les mêmes sur cette rive, et la terre n’a pas de ce côté sensiblement empiété sur le fleuve.

Tout autre est la rive droite, qui présente une série à peu près continue de parties basses, submersibles, marécageuses, couvertes quelquefois encore de grandes mares d’eau sans profondeur et ayant presque l’aspect de lagunes mortes après quelques jours de pluies persistantes ou pendant les inondations.