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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/698

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à une véritable émeute (de tout temps on a eu la tête chaude a. Nîmes ! ). Soixante serruriers armés de leurs outils saccagent l’atelier d’un sieur Sujol, maître monteur, et veulent massacrer un pauvre apprenti qu’ils trouvent au travail chez lui. Les termes du rapport ne disent pas explicitement s’il y eut meurtre ou simplement tentative, mais mentionnent que six des trop irascibles serruriers prirent la route du bagne de Toulon. Deux ans plus tard, après enquête, on autorisait définitivement les monteurs à forger eux-mêmes toutes les pièces entrant dans la composition du métier à bas. Mais ils ne pouvaient ni empiéter sur la profession du serrurier, ni exercer celle de fabricans de bas, à moins qu’ils n’eussent été reçus maîtres dans l’une ou l’autre branche.

A la même époque, les fabricans trouvent aussi des sujets de réclamation ; ils adressent une requête à l’intendant, se plaignant de ce que des maîtres louent des métiers à des ouvriers travaillant pour leur propre compte sous la qualification mensongère de maîtres, et de ce que d’autres maîtres, authentiques ceux-là, prennent des associés étrangers à la corporation. Mais l’autorité, s’inspirant des idées nouvelles favorables à la liberté du travail, n’écoute pas leur requête, la jugeant inspirée par la jalousie et l’obstruction.

Nîmes comptait à cette époque un millier de métiers consacrés uniquement à l’obtention de bas de pure soie et produisait environ huit cents paires par jour ; mille personnes à peu près subsistaient de cette industrie ; nous négligeons ce qui se rapporte aux bas de fleuret ou de filoselle. Dans ce nombreux personnel, il se glissait toujours quelques brebis galeuses. Ainsi, en 1747, grand émoi : un sieur Dalgue, de Nîmes, est accusé d’avoir fabriqué le haut de quatre paires de bas de filoselle verte avec du coton bleu. Par sentence du juge des manufactures, Dalgue est condamné à 400 livres d’amende ; les fameux bas verts, corps du délit, seront exposés publiquement, pendus à un poteau, avec écriteau explicatif. Ceci n’est que grotesque, mais on déchoit l’infortuné de son droit de maître, et on le raye de la liste des fabricans de la ville. Sur la plainte du subdélégué de Nîmes et d’accord avec lui, l’intendant réduit la peine, qu’il trouve ridiculement excessive, à 100 livres d’amende, taux encore suffisant pour ôter au pauvre bonnetier l’envie de recommencer. On voit que toujours l’administration tend en principe à relâcher les entraves mises au commerce.