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comme de la marine, si jamais il se rencontrait, tout homme qui paraîtrait avoir quoi que ce soit de l’homme de génie, capable de semblable détermination.

En outre, les malheurs de la dernière guerre ont créé chez tous nos chefs militaires, plus ou moins, l’état d’esprit pessimiste. La malheureuse phrase du maréchal Lebœuf est jetée à la face de tout militaire qui a la moindre velléité de confiance, et naturellement elle hante le cerveau de nos amiraux et de nos généraux. Tous, ou presque tous (les exceptions peuvent se nommer), sont, au moins, portés à affirmer que tout nous fait défaut, même les boutons de guêtres, et à conclure, après avoir exagéré nos points faibles : « Pas de guerre, c’est trop dangereux ! » Mais il y a lieu d’ajouter que tous, individuellement, iraient au feu avec enthousiasme, s’ils ne devaient risquer que leur vie et non leur réputation, leur flotte, leurs troupes, l’avenir et l’honneur de leur pays, et si, étant en sous-ordre, ils ne devaient pas avoir la responsabilité des résultats. Nos administrateurs, directeurs, préfets maritimes, tous ceux auxquels incomberait la responsabilité d’approvisionnemens insuffisans ou réputés insuffisans, d’un matériel défectueux, d’installations insuffisantes dans nos ports au jour de la mobilisation, tous, ou presque tous, sont dans le même état d’esprit. Au lieu de couvrir la responsabilité de leurs inférieurs, les ministres sont enchantés, suivant un système qui est l’envers du véritable régime parlementaire, de se couvrir dans les circonstances comme celles de Fachoda, en dénonçant les lamentations et le découragement de leurs collaborateurs et des chefs militaires.

Il y a trois ou quatre ans, un des nombreux incidens qui, depuis quelques années, pouvaient donner naissance à un conflit avec la Grande-Bretagne, venait de se produire. Le ministre qui détenait alors le portefeuille de la Marine pour quelques trimestres, s’entretenait avec moi de la situation des forces dont il avait la responsabilité ; j’étais directeur de l’artillerie.

« LE MINISTRE. — Mon cher Général, vous savez où nous en sommes ; la guerre peut éclater demain. Heureusement, nous avons une artillerie excellente, très supérieure à celle de l’Angleterre, mais nos pauvres navires sont dans un état d’infériorité navrant et ne nous permettent pas de risquer, même à forces égales, une bataille sur mer.

LE GENERAL DIRECTEUR. — Monsieur le Ministre, en ce qui