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artillerie de pauvre, parce qu’il n’était pas nécessaire d’être très riche pour se la procurer.

« Eh bien ! pour les navires, ils parlent à faux, tous ceux qui entretiennent, exagèrent les plaies de la France, parce qu’ils en vivent et qui trouvent, hélas ! pour des raisons faciles à expliquer, des échos, des approbateurs et des inspirateurs même dans les corps militaires. Je l’affirme sans restriction, bien que, pour le détail, je ne sois pas compétent sur tous les points que vous avez indiqués tout à l’heure.

« Reconnaissez d’ailleurs, Monsieur le Ministre, que je serais un pauvre général, tout au plus un simple constructeur de matériel, indigne de remplir le rôle qui m’incombe comme directeur de l’Artillerie, incapable de porter la responsabilité, vis-à-vis du ministre, des élémens principaux de notre puissance offensive sur mer et sur les côtes, si, par mes lectures des documens français ou étrangers, mes conversations avec le monde compétent, l’étude des documens de la commission extra parlementaire, je ne m’étais pas mis en mesure de connaître, d’une part, les cibles contre lesquelles les canons français pourront utiliser leur puissance, et, d’autre part, nos nouvelles plates-formes mobiles, portant à la fois les canons, leurs munitions et leurs servans.

« Sans m’être livré, je le répète, à des études de détail pour lesquelles je n’aurais pas la compétence voulue, mais aussi bien ou mieux que ces messieurs du parlement, personnages considérables auxquels vous avez fait allusion, je peux apprécier les défauts qu’on impute à notre flotte et aussi les qualités qu’on attribue à celles de nos ennemis. Ne m’arrêtant que sur un point très important, décisif à mes yeux, je vous affirme sans hésitation que si j’avais été en mesure d’inspirer les constructeurs de l’Angleterre, que l’opinion nous désigne comme des modèles à regarder et à suivre, si j’avais pu faire préparer à ces hommes éminens des cibles agréables à nos projectiles, je n’aurais pas pu obtenir (sans faire voir le bout de l’oreille) de résultats beaucoup plus avantageux à notre flotte que ceux en présence desquels nous nous trouvons aujourd’hui.

« Un jeune homme, ingénieur inexpérimenté, et trop pressé d’enseigner, urbi et orbi, ce qu’il ne savait pas, a soutenu, dans une école de la marine, exactement le contraire de ce que je viens de dire ; il a invité les jeunes élèves, et ses chefs sans doute, à regarder, à imiter des navires anglais, où tout avait été