de toute nature permettent d’ailleurs d’affirmer que le militaire de profession ne saurait devenir que très exceptionnellement, au moment voulu, un corsaire, c’est-à-dire un aventurier ne dépendant que de lui-même. L’appât du gain, l’amour du danger pour le danger, le mépris de la vie humaine, la soif des aventures héroïques, l’idée qu’on ne doit compte qu’à soi-même de ses actes, ont été, à des degrés divers, les élémens essentiels des exploits et des succès des Malroux et des Surcouf. Ces élémens ne sauraient exister, autrement qu’en puissance, pour ainsi dire, chez l’officier élevé pour des luttes d’un genre très différent, et la durée des guerres modernes ne paraît pas devoir suffire pour les développer et les utiliser.
En résumé, à notre avis, la flotte militaire ne doit pas avoir un croiseur, si petit qu’il soit, pour la guerre de course. Si cette guerre était permise, on pourrait, sans doute, admettre que les paquebots non utilisés pour servir de transports, au lieu de devenir des croiseurs auxiliaires suivant les prévisions actuelles, fussent confiés, en temps de guerre, même aux frais de l’Etat, à des commandans corsaires complètement libres de leurs actions ; gains et pertes, tout serait au compte de ces aventuriers et de leur équipage.
L’offensive peut avoir et doit avoir pour objectif de tenir en échec, d’attaquer et de réduire les flottes de l’Angleterre. Nos navires doivent être en mesure de lutter contre ceux de notre rivale et d’en détruire ou d’en mettre hors de combat un nombre au moins égal au leur, en rendant ainsi possibles des opérations d’une autre nature, celles qui consistent à utiliser l’immense supériorité de nos forces terrestres.
La faiblesse numérique de notre flotte et l’infériorité de nos moyens pécuniaires et industriels pour développer l’armement de nos navires ne sauraient être ni contestées, ni disparaître, si vastes que puissent être les projets et les prétentions des politiciens prodigues de l’argent de la France. Mais ce n’est ni par le nombre, ni par la puissance de ses navires, comptée soit en tonnage, soit en nombre de canons, soit d’après le nombre de coups tirés à la minute, que la flotte française sera mise en mesure de réaliser l’objectif qu’elle doit se proposer. Elle peut, au contraire, l’emporter et elle l’emportera à coup sûr, quand elle sera commandée par un chef digne d’elle, et libre de vouloir et