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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/799

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courant qui se produit ; tandis que quelques-uns aboutissent à la négation absolue, un courant de jour en jour plus fort entraîne les autres vers le christianisme intégral, c’est-à-dire vers le catholicisme, qui représente l’autorité et la tradition dans le domaine spirituel. Les belles études de M. Brunetière, de M. le vicomte de Meaux, de M. Thureau-Dangin et de M. Georges Goyau ont fait la lumière sur ce point. Dans l’ordre politique, la tendance est encore plus sensible, et les pays le plus constamment fidèles aux principes libéraux comprennent qu’il importe de fortifier l’autorité traditionnelle pour lui permettre de résister au socialisme et de guider les peuples dans l’évolution nécessaire. Ce besoin d’autorité se trahit, même chez les peuples qui ont répudié la tradition monarchique, par une tendance de plus en plus marquée vers la dictature et le césarisme.

Mais, si intéressante qu’ait été dans ce siècle la marche des idées, ce n’est que la continuation d’une lutte qui se poursuit sans interruption au travers des âges ; et il est probable que les révolutions et les guerres qui ont si profondément modifié l’équilibre du monde n’apparaîtront un jour à nos successeurs que comme des épisodes vulgaires de l’histoire universelle. Ce qui donnera au XIXe siècle une physionomie à part, un intérêt tout particulier, ce qui fait qu’il constituera une date mémorable dans les annales de l’humanité, c’est la grande révolution économique, qui a modifié l’aspect même du globe et bouleversé les relations des hommes entre eux, rendant illusoires la sagesse et l’expérience des hommes d’Etat et des législateurs. Des forces nouvelles sont nées, échappant au contrôle de toute autorité et défiant en apparence la tradition. Les grandes découvertes de la science, le machinisme, et la rapidité des communications qui annihile la distance, ont bouleversé l’ancienne organisation du travail et les conditions de la production. La propriété immobilière a perdu sa prépondérance, et l’influence appartient aux sociétés de capitaux. Le travail individuel, l’initiative individuelle s’effacent de plus en plus devant la toute-puissance de l’association : comme conséquence inévitable, les classes moyennes tendent à disparaître et la petite bourgeoisie qui de temps immémorial, vivait à force de travail et d’épargne, se voit réduite à grossir la foule instable des salariés et des prolétaires.

C’est là un fait très grave au point de vue politique et au point de vue social, La substitution du travail collectif au travail