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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/837

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suis d’une naissance à ne jamais rien faire que de grandeur et de hauteur en tout ce que je me mêlerai de faire, et l’on appellera cela comme l’on voudra ; pour moi, j’appelle cela suivre mon inclination et suivre mon chemin ; je suis née à n’en pas prendre d’autre. » Avec de pareilles dispositions, et ne bougeant du Louvre, où la reine Anne faisait jouer à tout instant du Corneille, Mademoiselle s’accoutuma à trouver naturels des sentimens à ce point « non communs, » des actions à ce point « illustres, » qu’on courait grand risque, à les vouloir imiter, de perdre à jamais la juste notion des proportions des choses. Elle la perdit en effet, et ne fut pas la seule, parmi les enfans de qualité qui abusaient si étrangement du théâtre. Grâce à cette mode imprudente, l’honnête Corneille, qui enseignait « l’héroïsme du devoir, la poésie du sacrifice et le prix de la volonté[1], » n’a pas été complètement innocent des erreurs de jugement et de sens moral qui ont rendu possible la guerre scélérate de la Fronde. A force de vouloir hausser l’âme française au-dessus d’elle-même, il avait faussé quelque chose dans les cerveaux trop tendres.


III

Mademoiselle grandissait beaucoup, se désengonçait, et était trouvée jolie, en attendant que le type bourbonien devînt trop accusé ; mais elle restait naïve et puérile, dans un monde où les marmots parlaient politique et donnaient leur opinion sur le dernier soulèvement. Toutefois, à côté des enfantillages qui formaient le tissu de sa vie quotidienne, deux préoccupations sérieuses l’accompagnaient depuis le berceau : l’une était son mariage, l’autre, l’honneur de sa maison. Au fond, les deux n’en faisaient qu’une, dans un temps où les princesses savaient encore leur métier de princesses et en acceptaient sans murmure les servitudes, dont la plus pénible, sans contredit, était de ne se compter pour rien dans leur propre mariage et de ne jamais réclamer leur part de bonheur domestique. Elles avaient consenti une fois pour toutes à boire ce calice, sentant bien qu’il y allait de l’existence même de leur caste, et nombreuses furent celles qui marchèrent à l’autel avec les sentimens de l’Iphigénie de Racine allant au sacrifice. C’est dans notre siècle que les princesses ont

  1. M. F. Brunetière, Études critiques sur l’histoire de la littérature française. — Pierre Corneille.