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l’entourent et composent en quelque sorte sa banlieue maritime présentent seuls de l’importance.

L’île de Groix, qui commande la rade de Lorient, n’a que deux petits havres très rudimentaires : Port-Lay et Port-Tudy. Groix est comme Belle-Isle un grand plateau de roche schisteuse, débris de l’ancienne côte rasée ou effondrée ; et son mur de falaises, qui fait face au large et reçoit directement le choc des vagues, est criblé de grottes, de trous et de gouffres de l’effet le plus pittoresque. L’île est à peu près inabordable de ce côté. Ses deux petits ports, très voisins l’un de l’autre, sont au Nord, sur la face opposée qui regarde la terre, et ne présentent que d’assez médiocres abris. Mais les marins de l’île, au nombre de près de 1 500, sont intrépides. A Groix, comme presque partout sur les côtes de Bretagne, les femmes font tous les travaux de la terre ; les hommes pêchent par tous les temps, aux bords de l’île pendant la saison de la sardine, au loin pendant le reste de l’année. Peu ou point de mouvement commercial, si ce n’est l’échange de quelques produits agricoles et l’expédition du poisson frais ou conservé. Le nom breton de l’île de Groix, Enez-er-Groac’h, l’île des Sorcières, semble indiquer qu’elle était jadis habitée, comme certaines îles à l’embouchure de la Loire, par des femmes, et lui donne un certain caractère sacré. Elle n’est pas cependant mentionnée par les géographes classiques ; mais ses nombreux mégalithes ne permettent pas de douter qu’elle n’ait été connue et fréquentée dès la plus haute antiquité, probablement même à l’époque où elle était encore rattachée au continent.

Lorient est au contraire tout à fait moderne. Sa fondation ne date que de la fin du XVIIe siècle. Ce fut, en effet, en 1066 seulement que quelques terrains en nature de prés vaseux et de landes situés à l’embouchure du Scorff, furent concédés à la célèbre Compagnie des Indes orientales. Ces terrains occupaient à peu près les bords de la petite anse de Roshellec où se trouve aujourd’hui la tour des signaux de l’arsenal et longeaient l’étang de Faouëdic, qui est devenu le bassin à flot du commerce. On devait y armer des frégates et des galiotes pour Madagascar et surtout pour l’Extrême-Orient. L’emplacement en prit le nom ; on l’appela d’abord le « lieu d’Orient. » Il était, à vrai dire, très bien choisi. Le Scorff et le Blavet y mêlent leurs eaux dans un vaste estuaire dont la profondeur permet l’entrée à toute marée des plus forts navires. Le Scorff n’est pas cependant navigable un peu en amont