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LA PETITE DERNIERE.

à sa fenêtre, la vit surgir au seuil de l’hôtel, portant d’une main sa valise et tenant de l’autre une serviette bourrée de paperasses. Elle monta vivement dans le break qui n’attendait plus qu’elle et qui roula immédiatement sur la route de Grozon. La journée du vendredi se traîna péniblement sans incident notable, sans qu’on reparlât du voyage à la pointe du Raz. Les trois sœurs prirent comme d’habitude leur bain, tandis que leur père immergeait ses chevilles dans la mer, en lisant les Oraisons funèbres. Il semblait que chacun se fût donné le mot pour ne point troubler sa quiétude d’esprit. Mais, le samedi matin, vers sept heures, la porte de la chambre occupée par les époux Pontal fut brusquement ouverte, et le professeur, mal éveillé, aperçut devant son lit Tonia et Lucile en tenue d’excursionnistes.

— Hein ? bégaya-t-il en se frottant les yeux, vous êtes bien matineuses ! Est-ce que vous avez changé l’heure de votre bain ?

— Non, papa, répondit M me Desjoberts, nous venons simplement t’embrasser avant de partir.

— Partir !... Et où allez- vous donc ?

— Mais, dit à son tour Lucile, à Douarnenez, comme c’était convenu.

— Rien n’a été convenu, puisque votre mère n’a voulu prendre aucune résolution avant son départ.

— Naturellement elle t’a laissé juge de la situation, repartit câlinement Tonia, et, comme tu es un papa bien gentil, bien mignon, tu vas nous donner campos jusqu’à ce soir... D’ailleurs Paillette reste ici et te tiendra compagnie...

— Mais, bégaya le professeur ahuri, je ne sais si je dois,... s’il est bienséant...

— Du moment où je chaperonne Lucile, insista M me Desjoberts, on serait mal venu à nous critiquer... Je réponds d’elle... Maintenant sauvons-nous, le vapeur a déjà sifflé une fois. Elles embrassèrent à tour de rôle M. Pontal et étouffèrent ses dernières objections sous leurs cajoleries.

— Au moins, recommanda-t-il, ayez soin de revenir par le bateau de ce soir !

— Oui, oui ! s’écrièrent-eîles, et la porte se referma. Cinq minutes après, elles rejoignaient Salbris et Rivoalen sur la plage, et une barque les emmenait vers le bateau, qui se balançait non loin du môle.

Un dernier bramement de sirène, puis on leva l’ancre ; les