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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/15

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LA PETITE DERNIÈRE, M

bordés de maisons blanches, et, au-dessus des futaies de Plô-mar, l’église de Ploaré élançait sa svelte aiguille de pierre. Un quart d’heure après, le vapeur doublait le môle et débarquait ses passagers sur la jetée aux pavés humides, semés d’écaillés de sardines. Les quatre excursionnistes avaient à occuper deux grandes heures, avant le départ du petit chemin de fer d’Audierne. Ils les employèrent à visiter le port et les environs. A travers les pentes gazonneuses de Plô-mar, sousTombre mouvante des frênes et des hêtres, Rivoalen les conduisit jusqu’à Ploaré. Lorsqu’ils eurent suffisamment examiné la curieuse église du xv e siècle avec ses clochetons et sa flèche de granit ; lorsqu’ils eurent admiré le merveilleux paysage de mer qu’on voit de là-haut, ils redescendirent dans la ville et stationnèrent un moment à la terrasse de l’Hôtel du Commerce -pour s’y rafraîchir. La grande rue offrait déjà le spectacle d’une animation exceptionnelle. Des véhicules de toute forme et de tout âge y amenaient de nombreux pèlerins venus pour assister au pardon du lendemain. Les trains de Quimper et d’Audierne avaient jeté dans la ville des bandes de paysans et de paysannes, dont les vestes ou les coiffures indiquaient le bourg d’origine.

— Ces messieurs et ces dames vont à Sainte-Anne ? demanda l’hôtelière à Rivoalen, dois-je leur garder des chambres pour ce soir ?

— Non, répliqua ce dernier, nous allons à la pointe du Raz ; nous rentrerons à Morgat par le dernier bateau et ne repartirons pour Sainte- Anne que demain matin.

L’hôtesse levait les yeux au ciel et les regardait d’un air apitoyé,

— Mais il y huit lieues de Morgat à Saint-Anne, tandis que, si vous restez ici à coucher, vous trouverez demain des bateaux qui vous mèneront au Pardon en une heure... Ce sera bien plus simple et moins fatigant.

— Au fait, s’écria Salbris, la bonne dame a raison... Ce serait insensé de retourner à Morgat pour en repartir le lendemain, avec la perspective de quatre mortelles heures de voiture. En couchant ici, au contraire, nous serions tout portés... Qu’en pensez-vous, mesdames ?...

— Oh ! murmura Luciie, en baissant les yeux et en passant le fin bout de sa langue sur ses lèvres, comme une chatte affriolée par une jatte de lait, c’est bien tentant, mais c’est bien scabreux aussi !... Je ferai ce que fera Tonia.