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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/181

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ANNIBAL CARRACHE.

deux grands tableaux qui remplissent l’espace libre et qui semblent reposer sur les épaules d’esclaves peints de la couleur du bronze verdâtre. On se plaît à admirer ces figures caractéristiques.

Les deux tableaux qui se regardent à travers la galerie sont consacrés aux amours de Persée et d’Andromède. C’est, d’un côté, la jeune fille attachée à un rocher et exposée à un monstre marin. On aperçoit les parens éplorés au rivage voisin, mais Persée apparaît dans les airs monté sur Pégase et fond sur le monstre. De l’autre, Phinée et ses compagnons, accourus pour troubler les noces d’Andromède avec son libérateur, sont changés en pierre par Persée, qui se présente tout à coup avec la tête de Méduse. Ces deux compositions offrent une analogie frappante avec l’œuvre de Cellini à la Loggia de Lanzi. Massif à Florence, le Persée devient pesant à Rome. À Rome comme à Florence, on cherche vainement le type traditionnel d’élégance que la mythologie antique prêtait à ce héros. Le peintre bolonais s’inspire à tel point du sculpteur toscan, qu’en dépit de la donnée spéciale de son sujet, il montre Persée, tenant d’une main la tête de Méduse et de l’autre une épée. L’épée est bien à sa place dans la statue florentine, car celui qui la brandit vient de s’en servir pour immoler la gorgone, dont le corps gît inanimé sur le sol ; elle est inutile au palais Farnèse, puisque la tête de Méduse suffit pour arrêter, pour pétrifier Phinée et sa suite. L’Andromède attachée au rocher, de Carrache, offre des affinités plus sensibles encore avec le sujet représenté sur le socle de la statue de Benvenuto. La position respective des différens personnages est presque identique de part et d’autre. Mais Cellini ne disposait que d’un espace restreint et il travaillait avec du bronze. On ne saurait lui reprocher d’avoir usé des libertés compatibles avec les lois qui régissent le bas-relief et d’avoir, par suite, rapproché ses personnages plus qu’il n’était naturel. Carrache, au contraire, avait à sa disposition une surface énorme. Rien ne l’empêchait de composer la scène de la délivrance d’Andromède selon sa fantaisie. En reproduisant presque servilement l’ordonnance du maître florentin, il a commis une erreur de composition qu’aucune circonstance ne justifie ; il a, sans y prendre garde, signalé à l’attention des critiques la source à laquelle il puisait son inspiration.

Au-dessus de la corniche, la peinture exerce un empire absolu et sans partage ; si l’architecture, si la sculpture continuent de