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une carte de la Manche, dont il dessina les isobathes équidistantes de 10 toises. Puis les navigateurs anglais Forster, Cook, Ellis, Mulgrave et d’autres encore parmi lesquels Scoresby, en 1817, à force d’habileté pratique, parvinrent à mesurer avec exactitude des profondeurs atteignant 1 630 mètres et même 2 100 mètres. Mais ces profondeurs sont encore relativement faibles, puisqu’on en a trouvé, dans ces derniers temps, de 9 427 mètres.

Comment s’expliquer qu’une ligne de sonde descende indéfiniment à travers l’eau sans parvenir à toucher le fond qui existe réellement au-dessous d’elle ? On le sait depuis peu, et pour facile et claire que semble aujourd’hui l’explication, la découverte en a néanmoins exigé bien des travaux et des peines.

Lorsqu’on envoie à la mer une ligne de sonde en chanvre munie de son plomb, ce dernier l’entraîne verticalement. D’autre part l’eau environnante exerce contre la surface rugueuse de la corde un frottement tendant à la retenir et finalement à l’arrêter. Il agit avec d’autant plus de force que la surface de ligne immergée est plus grande, c’est-à-dire que la profondeur s’accroît. La traction du plomb est constante, la résistance inverse éprouvée par la corde augmente toujours. A un certain moment, les deux forces antagonistes deviennent égales, et alors le plomb, en quelque sorte retenu par une main invisible, cesse de descendre. Il demeure immobile entre deux eaux, et du bord on pourra filer autant de ligne qu’on le voudra. Puisque rien n’entraîne plus celle-ci, elle se pelotonne indéfiniment sur elle-même et le fond n’est jamais atteint.

S’il en est ainsi, ne pourrait-on pas éviter l’inconvénient en choisissant un poids plus pesant ?

Si le plomb est très lourd, il cassera la ligne et si, pour le supporter, on adopte une corde plus résistante, c’est-à-dire plus grosse, sa surface deviendra plus considérable, le frottement exercé par l’eau qui est fonction de cette surface augmentera dans la même proportion, et tout se retrouvera dans les conditions primitives ; il y aura arrêt et immobilisation du plomb.

Dans un roman connu, on lit une description de navires naufragés flottant eux aussi entre deux eaux et de l’horrible spectacle qui frappe les yeux d’un passager à bord d’un bâtiment sous-marin, évoluant librement autour de ces épaves, montant, descendant grâce aux miracles de la science et de l’imagination de l’auteur. Il n’en est pas ainsi, et nos sous-marins, si jamais on les