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d’esprits libéraux ; mais, nous le demandons, de toute cette seconde partie de la loi de 1850, que reste-t-il aujourd’hui ? Absolument rien. En vertu de cette mécanique naturelle et continue de l’action et de la réaction dont nous parlions plus haut, l’Université est aujourd’hui maîtresse d’elle-même, maîtresse chez elle, et, s’il faut tout dire, nous sommes tentés de croire qu’une fois de plus, la juste mesure a été manquée, en ce sens que les influences purement pédagogiques sont devenues, non seulement prépondérantes, mais exclusives. Mais, pour revenir à la loi de 1850, il faut oublier, quand on la juge maintenant, toutes les passions qu’elle a soulevées il y a un demi-siècle. Elle s’est produite à une époque qui, au point de vue politique, a pu mériter les sévérités de l’histoire. Elle a été quelque peu pénétrée par l’air du temps, nous le voulons bien. Mais il ne s’agit pas de ce qu’elle était en 1850 ; il s’agit de ce qu’elle est aujourd’hui. Tout ce qui était en elle contestable ou mauvais a péri ; tout ce qui était bon a survécu, et c’est cela seul que nous défendons, car c’est cela, précisément, qui est menacé.

Voilà pourquoi la propagande en faveur de la liberté de l’enseignement ne saurait trop être encouragée, et pourquoi nous applaudissons lorsque des voix éloquentes s’élèvent pour sa défense. La commission parlementaire présidée par M. Ribot a étudié les réformes à introduire dans l’Université pour la rendre plus apte à soutenir la concurrence de l’enseignement libre, et la mieux approprier aux besoins scolaires de la société actuelle. C’est une œuvre qu’on ne saurait suivre avec trop de bienveillance, et nous aurons à en parler lorsque le moment en sera venu. Les uns trouveront qu’on n’est pas allé assez loin dans le sens des réformes, les autres qu’on est allé trop loin, et il est probable que les premiers seront plus nombreux que les seconds. Ces études, ces recherches, ces travaux honoreraient une assemblée qui voudrait s’y appliquer, comme la commission l’a fait, avec la préoccupation unique des bonnes études. Mais que faut-il penser d’un gouvernement qui, avant même que le débat soit ouvert, vient proposer de sauver l’Université, — il faut toujours qu’il sauve quelque chose ! — par la suppression ou la diminution de la concurrence et de la liberté ? Est-ce du moins dans un intérêt universitaire et scolaire qu’il a émis une proposition semblable ? Non, certes, et la preuve en est que pas une voix ne s’est élevée dans l’Université elle-même pour réclamer le funeste présent qu’on lui destine. L’Université a conscience de ses forces : elle demande seulement qu’on lui assure tous les moyens de les déployer. Ce n’est donc pas dans un intérêt