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que la mission du Haut-Oubanghi pourrait en recevoir, si les missions qu’il s’agit d’organiser parvenaient à lui faire tenir soit des correspondances, soit des approvisionnemens. M. Clochette, qui est déjà favorablement connu des autorités abyssines[1], devra être mis en route dans le plus bref délai possible. Il sera suivi de près par M. Bonvalot, qui quittera Paris à la fin de janvier… Sans vous immiscer dans la direction effective de ces missions, vous voudrez bien leur prêter une aide efficace. Le gouvernement attache une importance toute spéciale à ce que, dès cette année, ces deux explorateurs puissent, en combinant leurs mouvemens, paraître sur la rive droite du Nil. »

On ne se contentait donc point d’ébaucher en Ethiopie une œuvre purement politique et dont l’avenir seul pourrait révéler la valeur ; on poursuivait encore un objet plus immédiat : fournir un appoint moral et un appui matériel à la mission Marchand, soit par le concours des Abyssins eux-mêmes, soit par l’assistance rapide des vaillans Français disposés à marcher vers les marécages de la rive droite du Nil.


IV

La mission de M. Lagarde eut un plein succès. Son arrivée à Harrar, le 23 janvier 1897, fut marquée par des manifestations publiques particulièrement cordiales et un échange de télégrammes sympathiques entre le ras Makonnen et le gouvernement français. Les pourparlers commencèrent aussitôt, et, dès le 27, les signatures furent données à la convention principale avec fixation de la frontière de nos établissemens de Djibouti à un point intermédiaire entre celui que la France avait d’abord réclamé et celui qu’avait demandé l’Abyssinie. M. Lagarde fut autorisé à poursuivre sa route jusqu’auprès de l’empereur Ménélik lui-même. Il n’était que temps : la mission anglaise de M. Rennel Rodd le suivait de près, ayant, disait-on, pour instructions d’obtenir du négus, au prix même de cessions territoriales chez les Somalis, sa neutralité bienveillante ou son concours actif contre le Mahdi. Si ce plan venait à se réaliser, c’en était fait de toute tentative de politique européenne sur le Haut-Nil, l’indépendance même de l’Ethiopie risquait d’être compromise, puisque l’empire serait

  1. Il séjournait en Ethiopie depuis plusieurs années et s’y trouvait au moment où ces lettres étaient écrites.