dépêche, que le premier coup d’œil fut favorable, et la sorte dont il a parlé avec dignité et dont il s’est conduit dans son audience et depuis qu’il est icy m’ont prévenu que Votre Majesté ne pouvoit faire un meilleur choix pour son service, un plus convenable au prince auprès duquel je le laisse[1]. » Briord, de son côté, rendait compte au Roi de sa première entrevue avec Victor-Amédée. Aux assurances d’amitié que le nouvel ambassadeur apportait de la part de Louis XIV, Victor-Amédée répondait « en termes soumis et respectueux, » et il protestait « d’un attachement éternel à tous les intérêts du Boy. » Briord ne négligea pas de se faire conduire par Tessé chez la comtesse de Verrue. « Je n’employai le nom de Votre Majesté qu’avec toute la précaution que je devois, » dit-il, en rendant compte au Roi de sa visite, et il ajoute : « Elle parut très attachée aux intérêts de Votre Majesté[2]. »
La mission de Briord paraissait donc s’annoncer sous de favorables auspices, mais bientôt il put s’apercevoir combien la dame de Volupté (c’est ainsi que l’histoire a surnommé la comtesse de Verrue), plus fidèle à son pays qu’à son amant, avait eu raison de dire à Tessé que son successeur « devoit compter sur peu de commerce. » Quelques mois ne s’étaient pas écoulés qu’il se voyait obligé d’informer Louis XIV de l’éloignement où le tenait le duc de Savoie et de la solitude où, par crainte de déplaire à ce maître capricieux, les courtisans le laissaient. « Peu après mon arrivée, écrivait-il[3], je m’aperçus que ceux qui approchent le plus de M. le duc de Savoie évitoient de venir chez moy et d’avoir du commerce avec moy. Je fus informé dans la suite qu’il s’estoit expliqué assez ouvertement qu’il ne souhaitoit pas qu’on y vinst manger. Je m’aperçus dans la suite que plusieurs de ceux qui venoient le plus librement manger chez moy l’évitoiont avec soin et quelques-uns m’avouoient même de bonne foy qu’ils estoient fâchés d’être privés de cet honneur, mais qu’ils estoient très bien informés qu’ils ne pouvoient plus mal faire leur cour. » Briord ajoutait dans la même dépêche une preuve singulière de l’aversion que Victor-Amédée, en dépit de sa réconciliation apparente, continuait d’éprouver pour la France. Sa sœur, la princesse de Masseran, était venue passer trois mois à Turin. Elle avait un fils, « fort joli, » disait Briord, et elle