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représentant à Versailles, dans des circonstances aussi délicates. On sent la confiance que son nouvel ambassadeur lui inspire, à la fréquence et à la longueur des lettres qu’il lui adresse, et les réponses de Vernon, un peu verbeuses et diffuses, montrent cependant, par l’exactitude qu’il apporte à renseigner son maître, qu’il n’était point indigne de cette confiance. Lettres et dépêches remplissent, aux archives de Turin, de nombreuses liasses[1].

Durant les premiers mois de la mission de Vernon, Victor-Amédée recommande à son ambassadeur de conserver une attitude prudente et réservée. « Nous attendons, lui écrit-il, de voir ce que disposeront les décrets du Ciel et à quoi tendront les dispositions de la Terre. » Il lui rappelle les droits qu’il tient du testament de Philippe IV. Mais Vernon ne doit pas, pour l’instant, faire valoir ces droits. Il doit se borner à exclure ceux que Victor-Amédée appelle les pretendenti maggiori, qui sont les fils de l’Empereur et les petits-fils du roi de France. Il doit en même temps ne perdre aucune occasion de protester du profond attachement de son maître pour le roi de France, rappeler à celui-ci la promesse qu’il a faite d’avoir à cœur les avantages particuliers du duc de Savoie, et lui représenter l’intérêt qu’il a lui-même à favoriser, de préférence à tous autres, un prince qui lui est attaché par les liens de tant d’alliances et qui a, en quelque sorte, l’honneur d’être de sa maison[2]. Mais, en même temps, il doit demeurer en relations cordiales avec le comte de Zinzendorf, qui est le représentant de. Léopold à Versailles, ne repousser aucune des avances que celui-ci pourrait lui faire, et lui répondre en termes généraux, mais avec prudence, de façon qu’il demeure satisfait, « sans que cependant il en puisse résulter quelque rumeur à la cour[3] . » Vernon se tira avec dextérité de cette tâche délicate. Avec une égale exactitude, il rend compte à son maître de ses conversations tantôt avec Torcy, tantôt avec Zinzendorf. Avec Torcy, il reprend cette question de l’échange du Milanais contre la Savoie, qui avait déjà fait l’objet de pourparlers

  1. Aux Archives de Turin, les pièces ne sont point reliées comme chez nous mais réunies par liasses (mazzi). Les lettres des ducs de Savoie à leurs ambassadeurs en France sont classées sous cette rubrique : Lettere Ministri Francia. Les pièces relatives aux conventions diplomatiques de toute nature sont classées sous la rubrique : Negociazioni Francia.
  2. Archives de Turin, Lettere Ministri Francia, mazzo 125. Victor-Amédée à Vernon, 26 mai et 22 août 1699.
  3. Ibid., Victor-Amédée à Vernon, 5 sept. 1699.