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LA PETITE ItEMMÈRE. 31

— Evariste, murmurait M me Pontal énervée, vous m’agacez !... En aurez- vous bientôt fini avec vos grognemens ?...

— Si je grogne, répliquait le professeur, j’ai pour cela de justes raisons... Sais-tu à combien se monte la note de ces derniers quinze jours ?...

— Au chiffre convenu, je suppose... Cinquante francs par jour.

— Vraiment ?... Eh bien ! tu es loin de compte !... Le total est de 1 550 francs, quinze cent cinquante, tu entends !... Et, dans cette somme, les dépenses de Tonia pour ses cabotins : soupers, Champagne, éclairage et le reste, figurent jusqu’à concurrence de six cents et des francs... Cette enfant-là nous ruine !... M me Pontal eut une grimace de désagréable surprise. Bien qu’elle planât d’ordinaire au-dessus des détails prosaïques de la vie matérielle, elle ne pouvait se dissimuler que Tonia en prenait trop à son aise.

— Ces dépenses, déclara-t-elle nettement, ne nous regardent en aucune façon ; elles auraient dû faire l’objet d’une note spéciale, que M me Desjoberts réglera directement sur son propre budget.

— Quel budget ?

— Hé ! la pension que lui sert son mari... Je suis lasse de prendre la responsabilité des incartades de vos filles et j’y mettrai bon ordre...

Elle fut interrompue par la femme de chambre, chargée du message de M. Desjoberts...

— Hein ! s’écria la dame jen sursautant, tandis que son mari blêmissait, comment, il est ici ?... C’est bien, je descends... Elle réfléchit sans doute que l’entrevue serait orageuse et qu’il était inutile de mettre les gens de l’hôtel dans la confidence des récriminations de son gendre, car elle se hâta d’ajouter :

— Ou plutôt, non... Priez M. Desjoberts de monter chez moi. Quelques minutes après, M. Urbain Desjoberts, professeur de seconde au lycée de R..., était introduit près de ses beaux-parens, dans la petite chambre que M me Pontal appelait son « salon de travail. » Il y entra d’un pas brusque et salua froidement les deux époux. Après un moment de silence embarrassé, M me Pontal, qui se tenait debout, la main gauche appuyée à la table, dans une attitude fort digne, interpella le nouveau venu :

— Veuillez, monsieur, m’expliquer ce qui nous vaut l’honneur de votre visite !