est puni de mort. La terre n’appartient à personne, puisqu’elle appartient théoriquement à l’empereur, cette ombre. Le shogun n’en est que l’intendant ; il en cède l’usage aux daïmios, qui la louent aux samuraïs, qui l’afferment aux paysans. On vit sur de grandes équivoques.
Le bouddhisme désarmé n’était plus à craindre : les Tokugawa lui abandonnèrent le peuple, tandis que le confucianisme demeurait la bible des samuraïs. Je dirais que tous deux forment de sûrs esclaves, l’un par la résignation passive où il achève de dissoudre la personnalité, l’autre par l’irréflexion qu’il impose à la servitude, si ce mot d’esclaves ne semblait vraiment excessif, quand on veut caractériser un peuple dont l’âme garda sous une longue contrainte les hautes vertus de ses temps héroïques.
Asservis, les Japonais le furent autant qu’une nation peut l’être ; et la tyrannie les a, pour longtemps, marqués d’un esprit soupçonneux, d’une hypocrisie souriante. Leur intimité me fait toujours penser à ces anciennes demeures seigneuriales que j’ai visitées à Kyoto. On y entre de plain-pied ; aucun verrou n’en défend les portes ; les châssis glissent silencieusement sur leurs rainures. La bienvenue vous sourit dans la lumière des cloisons peintes, les bois veinés, les blonds tatamis. Quelle franche et simple hospitalité ! Le palais est à vous. Tout à coup, sous vos pas étouffés par les nattes, une espèce de sifflement assez harmonieux court et se prolonge. Vous avez mis le pied où le parquet chante. L’alarme était donnée. Dans la pièce voisine, les visages se composaient, et les mains qui agitaient l’éventail frôlaient doucement leur poignard.
Mais ces effets d’une inquisition dissolvante furent combattus par le perpétuel dévouement aux intérêts de la communauté et par le sentiment de l’honneur. Les Tokugawa disciplinèrent ce stoïcisme dont les tragiques aventures du passé avaient bronzé les cœurs. L’individu, opprimé dans son intelligence, comprimé dans son expansion, n’eut d’autre issue vers la gloire que le renoncement et le sacrifice. Il employa tout son orgueil à porter un carcan qu’il était incapable de secouer. Toujours prêt au suicide, il méprisa une vie que sa pensée ne savait enrichir ou ne l’aima que pour les trouvailles stériles d’une fantaisie exaspérée. Les âmes se cristallisèrent.
Si la paix est le bonheur suprême des peuples, on peut considérer Yeyasu comme un grand bienfaiteur. Et si la morale d’un