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de ses conquêtes horticoles que des acquisitions les plus précieuses qu’il a pu faire pour ses collections. Lui, si modeste en toutes choses, c’est avec une vanité ingénue qu’il constate la supériorité de l’éclat de ses anémones sur toutes celles qu’on cultive dans la contrée et il se pâme d’aise quand les fleurs, dont il pare les églises aux jours des grandes cérémonies, ont été remarquées.

Il se persuade volontiers que ce qui provient de Belgentier vaut mieux que partout ailleurs, et, pour que ses amis soient également à même de faire ces avantageuses comparaisons, il leur prodigue les envois de fruits, de fleurs, d’objets de toute sorte. Outre ses chatons, c’est une canivette de muscat, des boîtes de prunes conservées, par douzaines, des raisins de Damas, une certaine eau de naffe (fleurs d’oranger) dont il croit avoir le secret et plusieurs de « ces eunuques de haute graisse, » vantés par Bouchard et comme on n’en élève que chez lui. Si, par discrétion, il met parfois quelque réserve vis-à-vis des étrangers, quand il leur parle de Belgentier, il est plus à l’aise avec son frère, qu’il sait animé d’une prédilection pareille pour ce cher coin de terre. Avec lui, il n’épargne pas les détails et il a pour lui les attentions les plus délicates. Sachant que Valavès doit arriver prochainement à Belgentier, il retarde la plantation d’anémones et de renoncules qu’il a reçues de Rome pour lui laisser « le plaisir de les mettre lui-même en terre, peut-être dans des pots, pour les mieux défendre des injures du temps et de la vermine (27 septembre 1625). » S’il s’agit de plantes rares et que son frère ne connaît pas encore, il lui communique ses émotions au moment des gelées ; son contentement quand, après les rigueurs de l’hiver, il les voit boutonner, puis s’épanouir. Il lui vante une bordure d’orangers de la Chine qui a mieux résisté au froid que les espèces du pays et « font une verdure plus noble, dans laquelle les fleurs et les fruits paraissent mieux que sur les autres. » Les connaissances horticoles de Peiresc sont peu à peu connues dans toute la contrée et il est tout fier qu’on le prie de tracer et de plantera Aix le jardin de l’archevêché. Comme la forme du terrain est irrégulière, il consulte de tous côtés les experts pour le dessin des massifs. Le plan étant arrêté, il s’inquiète des espèces qui conviennent le mieux à la nature du sol et il s’ingénie pour marier les feuillages de la manière la plus plaisante à l’œil. Voici le choix fait ; il faut maintenant planter : grosse affaire et nouveaux soucis ! « Des pluies rabieuses empêchent le travail » et comme