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que les rebelles peuvent s’être donné ou de leur indépendance comme État autonome et souverain. »

« L’application des lois de la guerre aux rebelles[1] n’implique pas qu’on veuille s’engager avec eux au-delà des limites tracées par cette loi. »

En reconnaissant la belligérance, on pourvoit aux nécessités de l’heure présente ; en reconnaissant l’indépendance, on admet l’existence définitive d’un État nouveau. L’article il du projet soumis à l’Institut du droit international pose catégoriquement cette règle.

Donc l’Angleterre avait tout à gagner, et ne pouvait rien perdre en attribuant aux Boers la qualité de belligérans. D’abord elle déclinait, dans ses rapports avec les tierces puissances, la responsabilité des réquisitions excessives, des confiscations déguisées, des fautes internationales commises par ses prétendus vassaux ; ensuite elle cessait de se confiner elle-même dans la sphère des droits exercés en temps de paix, et pouvait revendiquer tous les privilèges que le droit international confère aux belligérans ; quant à la contrebande de guerre et à la surveillance du commerce maritime, il lui devenait loisible, par exemple (et rien ne pouvait mieux lui convenir), d’imposer aux tierces puissances l’observation rigoureuse des lois de la neutralité, à moins que celles-ci n’eussent elles-mêmes refusé d’adhérer à la reconnaissance[2]. D’autre part, elle n’a rien à perdre, pas même l’espoir de la vengeance ; car, au lendemain d’une victoire, elle saurait se rappeler, le cas échéant, si son intérêt bien entendu ne l’en empêchait pas, que l’application aux rebelles, sur le champ de bataille, des lois et usages de la guerre, n’empêche pas le gouvernement « légitime » ou légitimé par le succès, de juger et de punir les chefs de la rébellion[3].

Tel était l’état de l’opinion, qu’aucune des puissances ne s’avisa de refuser son adhésion. Non seulement tous les États reconnurent aux Boers, d’accord avec la Grande-Bretagne, la qualité de

  1. Art. 154.
  2. Projet de règlement en ce moment soumis à l’'Institut de droit international, art. 5 : « Une tierce puissance n’est pas tenue de reconnaître aux insurgés la qualité de belligérans parce qu’elle leur est attribuée par le gouvernement du pays où la guerre civile a éclaté. Tant qu’elle n’aura pas adhéré elle-même à cette reconnaissance, elle n’est pas tenue de respecter les blocus établis par les insurgés sur les portions du littoral occupées par le gouvernement régulier. Ses navires ne pourront être visités en pleine mer. »
  3. Instructions précitées des États-Unis, art. 155,