toujours abondamment. Ce qu’il y a de mystérieux dans l’affaire Philipp semblait s’éclairer de lueurs inquiétantes. M. de Lanessan, ministre de la Marine, a résisté insuffisamment à ces attaques ; il a parlé d’enquêtes commencées, mais qui n’étaient pas terminées ; il a fait des réserves sur tous les points ; il ne s’est expliqué sur aucun. La mollesse du ministre était en désaccord absolu avec l’irritation et l’impatience de la Chambre, et on a vu le moment où le gouvernement tout entier allait être renversé. L’assemblée était houleuse ; on sentait déjà le naufrage imminent. Les ministériels commençaient à désespérer. Alors, on a pu voir quels trésors d’indulgence il y a quelquefois dans l’âme d’un radical-socialiste, et M. Pelletan, après avoir mis le Cabinet tout au bord du précipice, lui a tendu la main pour l’empêcher d’y tomber. Il a proposé une diminution de crédit, non plus de cent, mais de cinq cents francs, en ajoutant qu’il serait convenu que cela ne signifiait rien du tout, de sorte qu’au moment même où il semblait augmenter sa sévérité dans la proportion arithmétique de un à cinq, il en supprimait tous les effets. Le gouvernement a déclaré que, si la diminution ne devait avoir aucun sens, il y consentait sans difficulté, et qu’il lui importait fort peu qu’elle fût de tel chiffre ou de tel autre. La Chambre presque tout entière l’a votée : c’est une économie de cinq cents francs, voilà tout. Le ministère était sauvé ; mais il l’avait échappé belle, et on a pu voir qu’il tenait à peu de chose. Il tient à peu de chose, mais il tient toujours, et rien ne l’empêchera peut-être d’atteindre l’Exposition universelle, qui est pour lui, ou qu’il regarde, comme le port de salut.
En attendant, il a déposé ou annoncé quelques projets de loi, que nous signalons dès aujourd’hui à cause de leur importance, nous réservant d’y revenir plus tard, lorsqu’ils seront mieux connus. L’un est un projet d’amnistie pour toutes les affaires qui se rattachent à celle de Dreyfus et qui n’ont pas encore abouti à des jugemens définitifs. L’autre est un projet d’impôt personnel et général sur le revenu. Nous souhaitons que le premier projet fasse l’apaisement qu’il annonce : nous n’avons aucune confiance dans la répartition plus équitable des charges sociales que promet le second. Il y a quelques chances pour que le projet d’amnistie soit discuté, peut-être voté : quant au projet d’impôt sur le revenu, rien n’est plus improbable. Mais le gouvernement tient-il à ce qu’il le soit ? Mettra-t-il la moindre hâte à le faire étudier par une commission, puis à le faire figurer à l’ordre du jour ? Nous croirions plutôt que ce projet mal venu ira rejoindre le projet contre la liberté de l’enseignement et le projet sur les associa-