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projet de déclaration voté par la conférence de Bruxelles en 1874 codifiait une maxime établie par l’usage de vingt siècles, en disant : « Les lois de la guerre ne reconnaissent pas aux belligérans un pouvoir illimité quant au choix des moyens de nuire à l’ennemi. D’après ce principe, sont notamment interdits : l’emploi du poison ou d’armes empoisonnées[1]. »

Dans les premiers jours de novembre, les journaux anglais[2] annoncèrent que le général Joubert avait écrit au général White pour protester contre l’emploi de projectiles creux chargés de lyddite. On sait que la lyddite est un grand explosif appartenant à la famille de la mélinite. Les journaux et les revues en décrivirent à cette époque les effets terrifians. Un obus à la lyddite, tiré dans un champ où se trouvaient cent moutons, en avait tué quatre-vingts, sans que ces cadavres portassent la moindre trace de blessures. A Omdurman, on avait découvert, après le combat, dix derviches tombés en tas, dont les corps taillés en pièces n’offraient encore aucun indice de blessures : la force de l’explosion avait suffi pour produire le carnage. Une dépêche du camp de la Tugela, datée du 21 janvier, atteste que cette même force d’explosion renversa le commandant Viljoen et deux Burghers, mais sans méconnaître que le commandant eût promptement recouvré l’usage de ses sens. Au demeurant, il ne semble pas que les Boers aient insisté sur cette violation du droit de la guerre et nous n’avons jamais eu sous les yeux le texte de leur protestation. On a fait observer qu’il n’y avait pas de différence appréciable entre la lyddite anglaise, la mélinite française et la roburite allemande. Bien plus, un Boer, interrogé par la rédaction du Times[3], aurait déclaré qu’on avait bâti des légendes sur les ravages causés par la lyddite : ses effets n’étaient pas plus « asphyxians » ni plus « délétères » que ceux des anciens obus. On continua donc à s’en servir sans qu’un nouvel incident arrêtât les Anglais : par exemple, un régiment d’artillerie placé sous les ordres du général Methuen s’en servit avec un certain succès dans l’après-midi du 17 janvier. On lit encore dans deux télégrammes du 20 janvier datés l’un de Rendsburg, l’autre du camp anglais de Spearman’s farm, que les canons de Sa Majesté britannique envoient aux Boers sur des points différens des obus chargés de lyddite, et la

  1. Art. 12 et 13.
  2. V. notamment les Central News du 3 novembre.
  3. Numéro du 29 décembre.