à se distinguer, les chefs officiels du groupement révolutionnaire étaient les cinq directeurs, Rewbell, La Révellière-Lépeaux, Barras, Merlin et Treilhard. La corruption légendaire du Directoire a peut-être été exagérée. Dans sa majorité, il ne fut pas composé à l’état permanent de concussionnaires. Plusieurs de ses membres furent des gouvernans indélicats plutôt que de francs voleurs. Quelques-uns n’étaient pas dépourvus de capacité. Sans parler de Carnot et de Barthélémy, que leurs collègues proscrivirent, Merlin était un procureur très habile, qui excellait à légaliser le crime ; il eût fait un bon « garde des sceaux de Louis XI. » Treilhard devait rendre sous un autre régime d’utiles services. La Révellière, parfaitement probe, n’était qu’une âme de sectaire chimérique dans un corps de magot, mais l’Alsacien Rewbell, cupide, intéressé, retors, grand abatteur de besogne, paraît avoir été la forte tête de la bande.
Sauf Barras, le panache du Directoire, sauf Barras qui étonnait Paris par la splendeur de ses vices, ces hommes vivaient en général sans luxe, habitaient bourgeoisement le Luxembourg, dont les beaux appartenons avaient été découpés en cinq logemens. Carnot invitait familièrement ses amis « à manger la soupe : on se met à table entre quatre heures et quatre heures et demie, et je ne mange jamais dehors. » La Révellière et sa fille s’en allaient le soir chez ut : ménage ami, les Thouin, « passer une couple d’heures dans leur modeste cuisine. » La femme de Treilhard était une ménagère affreusement commune, — une madame Angot, disait Bonaparte. Avec les économies réalisées sur leur traitement, les D’recteurs se faisaient un fonds commun que chacun d’eux emportait en quittant le pouvoir, — la cagnotte du Directoire. Ils avaient droit aussi de conserver leur voiture, une voiture bourgeoise, qui faisait leur joie et leur orgueil.
Le trait distinctif de presque tous ces hommes, c’est la bassesse morale. Chez eux, nulle conception élevée de leurs devoirs et de leurs droits ; nul effort pour pacifier et rassembler la nation, nulle pitié pour la France, qui souffrait tant de maux. Ils gouvernèrent bassement, brutalement, grossièrement. Leur politique consistait à frapper tantôt à droite, tantôt à gauche, à se maintenir par des violences alternatives : ce fut le fameux système de bascule, « qui n’abaissait un parti que pour élever l’autre. » En 1797, un double vote populaire ayant fini par modifier la composition des Conseils et mis les conventionnels en minorité, une