Il écarta ainsi les démagogues et aussi des républicains prononcés, mais purs, ou même de simples opposans. A cet attentat cynique, il gagna quelque répit ; il commit un nouveau crime pour vivre un an de plus.
Ce régime éhonté devait succomber finalement dans une crise extérieure, compliquée à l’intérieur d’une crise de scandales. Après le départ de Bonaparte pour l’Egypte, où il était allé mûrir sa gloire hâtive au soleil du Levant, le Directoire avait continué une politique de conquêtes ou plutôt de rapines, occupant des territoires pour faire de l’argent, rançonnant les gouvernemens, pillant les populations, rendant la France un objet d’exécration. Rome fut envahie, la Suisse littéralement mise à sac. Après la conquête de Naples par Championnet, l’Autriche, qui n’avait considéré la paix que comme une trêve, rouvrit les hostilités ; le congrès de Rastadt avec l’Empire fut rompu, nos plénipotentiaires assassinés ; l’Allemagne entière, sauf la Prusse, reprit les armes ; l’Angleterre fournit des vaisseaux et des subsides ; enfin une armée de Russes descendit du Nord. La deuxième coalition était formée, menaçant nos conquêtes et bientôt nos frontières, s’aidant partout d’insurrections ; ce fut contre nous la seconde guerre des rois et la première guerre des peuples.
Le Directoire était dans une pénurie d’argent atroce. Il n’avait su remédier aux suites d’une crise monétaire sans exemple et à l’anéantissement des finances. Au dehors, les territoires conquis ne rendaient plus ; à l’intérieur, les contribuables refusaient l’impôt, et le gouvernement se sentait hors d’état de les contraindre, n’ayant su établir un mode régulier de recouvrement. Il tomba de plus en plus aux mains d’une immense bande d’exploiteurs.
La nuée des fournisseurs, traitans et sous-traitans, s’abattit sur la République. Appelés à pourvoir aux besoins des divers départemens ministériels et surtout de la guerre, ils en firent objet de spéculation et de trafic. En face d’un gouvernement mauvais payeur, en face de fonctionnaires aux mains crochues, ils ne songèrent qu’à s’assurer des garanties usuraires et des bénéfices illicites. Ils firent payer à l’État les pots-de-vin donnés à ses agens, imposèrent des marchés draconiens, drainèrent le peu d’argent liquide qui restait dans les coffres du Trésor et ne livrèrent qu’un matériel de rebut. Cette friponnerie presque universelle, s’introduisant dans les ressorts de l’État, les submergea et les noya sous