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Kronje soutint que le colonel Baden Powell n’avait pas le droit d’immobiliser et de neutraliser plus d’un bâtiment ; interprétation trop étroite de la convention[1], quoique, sans nul doute, l’excessive dissémination des bâtimens occupés par les blessés ait tous les inconvéniens possibles. Le général Kronje envoya, le 22 décembre, un message à lord Methuen pour l’aviser que les ambulances et les médecins, placés sur la ligne même du feu pendant une bataille, ne seraient pas « nécessairement respectés. » En effet, le service de santé ne doit pas gêner, même accidentellement, les opérations militaires. C’est pourquoi nos trois sociétés françaises de secours aux blessés (Société française de secours, Union des Femmes de France, Association des Dames françaises), chargées de centraliser les efforts individuels, sont elles-mêmes entièrement soumises à l’autorité militaire en temps de guerre. S’il en était autrement, la convention de 1864 dépasserait la mesure et disparaîtrait. Toutes les lois de la guerre sont mises en échec, si les insignes de la convention servent à couvrir la lâcheté, le vol ou l’espionnage.

La convention de Genève n’a pas réglé la protection du soldat ennemi blessé sur le champ de bataille. Le consensus gentium, établi depuis les temps les plus reculés, suffisait. Hostes ! dum vulnerati, fratres, disait le droit romain. C’est un crime de droit commun en même temps qu’un délit international que d’achever ou de dépouiller le combattant réduit à l’impuissance. Le code militaire français (art. 249) punit de la réclusion tout militaire qui dépouille un blessé, de mort celui qui, pour dépouiller un blessé, lui fait de nouvelles blessures. Ces spoliateurs, ces assassins, ces hyènes de champ de bataille, ne sont pas en général des militaires[2]. Aussi les Instructions de 1863 pour les armées des Etats-Unis en campagne généralisent-elles cette responsabilité pénale : « Quiconque blesse intentionnellement l’ennemi déjà complètement réduit à l’impuissance, disent-elles, sera mis à mort.

La déclaration faite et ratifiée sous serment le 8 novembre devant un juge de paix de Johannesburg[3] contient, il faut l’avouer, des révélations accablantes. Le général Kock, prisonnier des Anglais après la bataille d’Elandslaagte, raconte qu’un soldat

  1. L’art. 1 de cette convention dit, en effet : « Les ambulances et les hôpitaux militaires sont reconnus neutres et, comme tels, protégés et respectés par les belligérans aussi longtemps qu’il s’y trouvera des malades ou des blessés. »
  2. Comp. Guelle. Précis des lois de la guerre, t. I, p. 183.
  3. Standard and Digger’s News (trad. par la Liberté du 21 décembre).