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colonies du Cap et du Natal ont reçu l’ordre de refuser les billets payables dans le Transvaal et dans l’Etat d’Orange. » La mesure lésait avant tout les colons du Natal : une note rectificative annonça qu’elle s’appliquait seulement aux chèques et aux traites : on annonce aujourd’hui qu’elle sera probablement rapportée. Nous ne regardons pas, pour notre compte, l’interdiction du commerce inoffensif comme une conséquence naturelle de la guerre, et nous jugeons inutile d’ajouter cette cause de ruine à tant d’autres que l’état de guerre suscite. Mais nous ne prétendons pas que la pratique anglaise soit contraire au droit des gens, tel que le détermine encore, à l’heure présente, le consensus gentium.

Les belligérans ont en outre le droit de restreindre la liberté du commerce des neutres en ce qui concerne la contrebande de guerre. L’expression « contrebande de guerre » sert à désigner les objets qu’un neutre ne peut transporter à un belligérant sans violer les devoirs de la neutralité. Jusqu’ici, l’entente est facile. Mais quels sont ces objets ? Sur ce deuxième point, l’entente ne s’est pas encore établie.

Ce n’est pas sans raison que le professeur autrichien Neumann, il y a près d’un quart de siècle, reprochait à la mémorable déclaration de 1856 d’avoir entamé la réforme du droit maritime sans l’achever, parce qu’elle avait laissé dans le vague ce qui concernait la contrebande de guerre. Le Congrès de Paris avait pourtant sous les yeux la déclaration de Catherine II ; ce qu’il n’ébauchait même pas, la grande impératrice l’avait osé. Le 9 mars 1780, elle avait annoncé sa résolution d’affranchir le commerce des neutres en étendant « à toutes les puissances en guerre » les obligations contenues dans le traité anglo-russe du 20 juin 1766 (art. 10 et 11). Or le traité contenait cette énumération restrictive : « Tous les canons, mortiers, armes à feu, pistolets, bombes, grenades, boulets, balles, fusils, pierres à feu, mèches, poudre, salpêtre, soufre, cuirasses, piques, épées, ceinturons, poches à cartouches, selles et brides au-delà de la quantité qui peut être nécessaire pour l’usage du vaisseau, ou au-delà de celle que doit avoir chaque homme servant sur le vaisseau et passager, seront réputés munitions et provisions de guerre. » Quand l’Institut de droit international débattit à Venise, dans sa session de 1896, un projet de règlement sur la contrebande de guerre, je défendis avec toute la vigueur possible les principes de 1780. L’Institut confirma ces principes par un triple vote. Il limita les