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notre domaine calédonien et ses précieuses mines. Nouméa, avec quelques canons sur ses hauteurs et quelques torpilles dans ses passes, serait à l’abri d’une insulte et deviendrait, en cas de conflit avec l’Angleterre, une retraite inviolable pour nos bâtimens de guerre et de commerce. Nos colonies du Pacifique, isolées, à quarante jours de navigation de la mère patrie, doivent être mises en état, si une guerre survenait, de ne compter que sur elles-mêmes. Nous travaillons à la mise en valeur et au peuplement de nos îles des Antipodes, mais prenons garde que d’autres que nous ne recueillent le fruit de nos efforts et ne couchent dans le lit que nous aurons préparé.

L’extension générale de la colonisation européenne en Océanie tend, par la force des choses, à grandir l’importance de ce qu’on pourrait appeler les « fonctions de relation » de la Nouvelle-Calédonie ; le percement, certain dans un avenir plus ou moins éloigné, d’un isthme de l’Amérique centrale augmentera peut-être encore les chances de prospérité future de l’île. De faibles efforts, des mesures très simples dont nous avons indiqué les principales et dont quelques-unes sont en cours d’exécution, pourraient faire de Nouméa et de la Nouvelle-Calédonie, au point de vue des relations extérieures, l’une des capitales du Pacifique.


II

Les temps héroïques, pour la Nouvelle-Calédonie, furent courts ; la période « administrative » commença presque dès la prise de possession. Lorsque, en effet, le gouvernement de Napoléon III décida l’occupation de l’île, il était moins préoccupé de ses richesses latentes que des conditions dans lesquelles on y pourrait réaliser en grand une expérience de transportation pénale. On savait sans doute, par le rapport très favorable de Bérard, envoyé en 1850 sur l’Alcmène pour étudier les ressources de l’île, et par les lettres de Mgr Douarre, vicaire apostolique, que la Calédonie était susceptible d’un certain développement économique ; mais c’est à la main-d’œuvre pénale que l’on réservait le soin de tirer parti de ses ressources.

La Nouvelle-Calédonie servit de champ d’expérience aux savans criminalistes pour leurs essais de régénération sociale. L’administration y prit largement ses ébats, entassa bâtisses sur bâtisses, changea vingt fois de méthodes, fit, défit, refit, tâtonna