Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/820

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le nœud de la ligue d’Augsbourg. Mais nous l’avons vu aussi, au bout de quelques années, reconnaissant l’erreur, s’appliquer avec une patience inlassable à dénouer le nœud, conduire à lui seul, sans autre secours que celui du médiocre Croissy, une négociation difficile avec un ennemi de mauvaise foi, et pousser la modération non seulement jusqu’à ne pas profiter de ses victoires, mais jusqu’à rendre au vaincu des conquêtes anciennes, s’exposant ainsi au blâme aveugle des plus sages esprits.

Mêmes alternatives dans toutes les affaires de la Succession d’Espagne. Depuis 1668 jusqu’à 1700, il ne cesse de préparer le partage de la monarchie espagnole par une série de négociations auxquelles il emploie successivement tous ses ministres depuis Lyonne jusqu’à Torcy, mais qu’il dirige lui-même, et par lesquelles il poursuit toujours le même but : assurer l’agrandissement de la France et ménager la paix de l’Europe. Et si en même temps il ne décourage pas absolument les efforts que d’Harcourt poursuivait à Madrid pour faire attribuer à la France la totalité de l’héritage, s’il l’assiste non seulement de ses conseils mais de ses instructions, l’apparente contradiction de sa politique peut s’expliquer par cette double considération : d’abord que rien n’était moins assuré que le succès des négociations poursuivies par lui pour arriver à un partage équitable et qu’il devait prévoir l’échec de ces négociations ; ensuite que, le roi d’Espagne devant assurément faire attribution testamentaire de son vaste empire à quelqu’un des héritiers qui se le disputaient à l’avance, cette attribution n’empêchait pas un partage pacifique et n’aurait fait que rendre meilleure la situation du co-partageant auquel la totalité aurait été attribuée.

Quant à l’acceptation du testament de Charles II par Louis XIV, les meilleurs esprits semblent aujourd’hui d’accord pour reconnaître que non seulement ce ne fut pas une faute, mais que c’était une nécessité. Il ne faut pas oublier, en effet, que d’une part le dernier traité de partage, n’ayant pas été accepté par l’empereur Léopold, un des co-partageans éventuels, pouvait être considéré comme caduc, et que d’autre part, au refus du duc d’Anjou, le testament de Charles II désignait l’archiduc Charles qui assurément n’aurait pas refusé. Que diraient nos historiens modernes si Louis XIV, en souffrant le rétablissement de la monarchie de Charles-Quint, avait laissé détruire l’œuvre de Richelieu ? La guerre était donc inévitable, et dans le conseil où les raisons soit