De Turin, le 4 février.
« Votre femme m’apporta il y a quelque jour votre lettre par laquelle je vois ce qu’a écrit M. de Tessé. Il est vray que je luy ay marqués ma peine sur le peu d’inteligence qu’il y a entre M. de Bourgogne et ma fille ; mes je ne luy ay point dit d’en écrire ni que j’en dises mon avis à cette petite personne si on le jugoit à propos, non pas que je ne le fisse avec plaisir, mes vous savez que l’on est délicat en ce païs là et que je ne scais pas si on horoit (aurait) approuvé mon offerte. C’est pourquoi je ne luy ai pas faite d’autans que Mme de Maintenon m’a mendés plusieurs fois que quand il horoit (aurait) besoins de moy, elle me lecriret. Cependans je suis bien aise que l’on soit informés de mes sentimens qui ne peuve, à ce qui me semble, estre qu’aprouvés. Je pense à l’avenir et voit que le bonheur de ma fille ne sera pas de durée cen (sans) qu’elle vivre comme elle doit avec M. son mari. Vous ditte très bien : le Roy n’est pas immortelle ; les âges sont si diferent ; enfin je voudrès que l’on la fit faire de ces reflection quelle n’est pas en estat de faire elle même. Je vous dis cessi pour vous en servir à tems et lieux, et ne sorez assès vous marquer à quelle point je vous suis obliges de m’ecrire comme vous faites. Continués. Je ne serès, je vous promet, jamais ingratte et reconnoitre (ai) toute ma vie votre zèle. Pour de ce que nous a dit Monsieur, ont n’en parle pas du tout issi, ainsi je n’en ay pas ouvert la bouche et fais seulement des veux que, tout aille comme il faut, car se me serès une grande consolation. »
Vernon la rassurait sans doute un peu plus qu’il n’y avait lieu, car elle lui écrivait le 4 avril suivant : « Les bonnes nouvelles que vous me donnés du changement de ma fille à l’égard de monsieur son mari m’est une chose très agréable, car vous savès combien cela me tient au cœur. » Mais elle ne croyait qu’à moitié à ces éloges, car, quelque temps après, elle lui écrivait encore : « Je voudrès bien que la duchesse de Bourgogne s’atire autans de louanges (que sa sœur), mes, entre nous, elle est trop dissipée et naturellement et par la vie qu’elle mène pour qu’elle puisse me donner si tost cette consolation que je n’atends que quand sa première jeunesse sera passée[1]. »
Vernon était donc tout à fait l’homme propre à conduire une
- ↑ Archives de Turin. Lettere Ministri Franchi, mazzo 132. La duchesse Anne à Vernon.