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les productions de ce dernier poète aux Bierzeitungen, ces gazettes de brasserie que rédigent les rhétoriciens facétieux, dans les gymnases allemands.


De cette excursion, entreprise sur les traces de la critique socialiste, nous avons donc rapporté des impressions différentes des siennes, car nous avons mis en relief non pas la supériorité, mais la couleur française du talent de M. Holz. Nos conclusions cependant ne sont pas absolument opposées. Avec ses amis, en effet, nous voulons croire encore à l’avenir du jeune écrivain : nous dirons seulement, comme l’un des plus modérés parmi eux, « qu’il a trop souvent surfait ses découvertes techniques, et confondu la méthode avec l’art lui-même[1]. » Les Français, qui doivent répondre par leur sympathie à ses courageuses avances, lui souhaitent d’oublier maintenant le mot théorie. À cette dangereuse sirène, il a donné assez d’années de sa jeunesse. Ayant préparé, grâce à elle, l’éclosion du talent de Hauptmann, il n’a pas tout à fait perdu sa peine dans une longue familiarité avec cette grave et exclusive personne. Qu’il songe dès à présent à lui-même, plutôt qu’à enseigner autrui, et qu’il affermisse sa propre renommée, s’il en est temps encore.

En établissant la part qui revient à l’influence française dans la formation de Gerhart Hauptmann, nous n’avons pas eu non plus la prétention ridicule d’en faire un simple imitateur. Il a grandement ajouté de son chef à ce qu’il a emprunté à d’autres, et sa personnalité énergique impose l’estime. C’est l’homme qui montre le mieux à la jeune littérature allemande la voie de l’originalité vraie et de l’influence morale qu’elle a besoin de retrouver. Qu’elle retourne à l’étude du peuple des campagnes, et des types provinciaux, si variés et si caractéristiques encore dans l’Allemagne contemporaine, où la centralisation, bien qu’en marche à pas de géant, n’a pas eu le temps d’accomplir son œuvre de nivellement et d’uniformité. Hauptmann a rencontré ses trois grands succès, les Tisserands, la Fourrure de Castor, et Hannele, dans la peinture du milieu silésien qui l’a vu grandir. Après son excursion vers le symbolisme, il est revenu, avec son Charretier Henschel, puiser à cette source d’inspiration première, y portant même plus d’ouverture d’esprit et de chaleur de cœur qu’au temps de

  1. Stroebel, Neue Zeit, t. XV, p. 28.