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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/899

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curieuse, de l’enthousiasme ultramontain, et qui ne fut qu’en apparence fatale aux septentrionaux, se caractérise à Amsterdam, par Cornelis van Ootsanen, à Utrecht par Jan Mostaert et Jan van Schorel, à Leyde, par Engelbrechtsen et Lucas de Leyde, à Harlem, par Martin Heemskerk : on ne saurait, non plus, jusqu’à présent, l’étudier au Louvre. Un seul petit maître, élève d’Engelbrechtsen, Alart Claeszoon (dit Aertgen van Leyden), dans la Montée au Calvaire et le Sacrifice d’Abraham, si ces pièces lui sont justement attribuées, nous prouverait l’habileté des peintres de Leyde. Presque tous, à la fois graveurs et illustrateurs, excellaient à grouper et mouvoir des figurines vives et expressives, soit dans un épisode restreint, soit dans une composition étendue, sous l’action d’une lumière bien déterminée.

Le seul artiste important du XVIe siècle qui se présente bien chez nous est le chevalier Anthonie Morvan Dashort, plus connu sous son nom italianisé d’Antonio Moro (1512-1576 ?). Celui-là est vraiment un maître, et personne, avant Rubens et van Dyck, ne montra, avec plus d’éclat, comment le génie du Nord peut, exceptionnellement, sans rien perdre de ses qualités natives, les exalter, au contraire, par l’assimilation intime de certaines qualités du Midi. Élève de Schorel à Utrecht, imitateur de Titien à Venise, peintre de Charles-Quint et de Philippe II à Madrid, d’Edouard VI et de Marie Tudor à Londres, Anthonie Mor est déjà le type de ces artistes mondains et cosmopolites qui, dans les siècles suivans, se transporteront sans cesse d’une cour à l’autre. Toutes ces migrations, d’ailleurs, semblent lui avoir été favorables. Obstinément fidèle à ses habitudes d’analyse rigoureuse, il ne cesse, chemin faisant, d’y joindre, par d’heureux emprunts, certaines qualités, alors rares en son pays, d’exécution et de style qui en firent le modèle des portraitistes contemporains. Si le Portrait d’Edouard VI, en pied, porte légitimement sa signature, nous aurions là un spécimen de sa manière juvénile, précise et minutieuse, encore sèche et froide, presque celle d’un miniaturiste. Plusieurs autres peintures, postérieures, justifient mieux sa grande renommée. Le Portrait d’homme, à mi-corps, vêtu de noir, regardant une montre, très repeint et de facture molle, peut sembler encore une œuvre douteuse, mais le Nain de Charles-Quint, probablement exécuté vers 1552, marque la pleine maturité d’un très grand artiste. Rien de plus simple, et, en même temps, de plus fier, que cet avorton robuste, puissamment musclé, gras et