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avec des soucis plus directs. Les ministres d’Espagne en France sont rappelés ; tous les consuls français ont l’ordre de quitter les ports espagnols dans les vingt-quatre heures. C’est la rupture complète entre deux pays qui avaient cru supprimer les Pyrénées, et bientôt l’alliance incroyable de Philippe V avec la maison d’Autriche porte dans la politique générale de l’Europe le résultat de son opiniâtre rancune.

Qu’a fait cependant le premier ministre pour préparer le mariage de son roi ? Une excuse à sa conduite précipitée, et aux dangers auxquels elle expose la France, pourrait être dans l’heureux choix qui remplacera la petite infante. Mais il cherche et négocie de tous côtés sans aucun succès. Il a fait demander la main de la fille aînée du prince de Galles : la différence de religion a été le prétexte du refus, et l’affaire n’a pas été assez secrètement menée pour n’être pas jugée comme un échec dans les chancelleries. Des propositions antérieures sont venues de la tsarine Catherine, qui serait heureuse d’unir sa fille Elisabeth au roi de France, au prix même d’une abjuration de l’orthodoxie ; Mme de Prie a trouvé que le sang violent de Pierre le Grand ne lui promettait pas une reine assez dépendante, et le ministre, après des tergiversations prolongées, a fini par refuser, au risque de détruire les cordiales dispositions de la Russie pour l’alliance française. Il a écarté de principe la charmante fille aînée du duc de Lorraine, catholique, d’âge excellent, parce que la mère est Orléans, sœur du Régent, et que les Condé ne peuvent supporter l’idée de fournir au parti rival l’appui de la reine future.

Les meilleurs choix étant rejetés, M. le Duc a beau faire dresser une liste de toutes les princesses de l’Europe qui ont de treize à vingt-deux ans et y réunir tous les détails sur leur religion, leur famille, leurs qualités physiques, aucun nom ne s’y rencontre qui puisse concorder à la fois avec l’âge du Roi, la dignité de la couronne, et les convenances personnelles du ministre. Marie Leczinska figure dans cette liste, avec la remarque qu’elle a des parens peu riches et que son père et sa mère voudraient sans doute s’établir en France, ce qui serait un inconvénient : « On ne sait rien, d’ailleurs, ajoute le mémoire, qui soit désavantageux à cette famille. » Personne ne songera à une princesse d’un rang aussi modeste, parmi les personnes consultées par le ministre et invitées à lui faire tenir leur avis par écrit. On