perfectionnemens de l’outillage dépendent enfin de deux facteurs : l’idée et le capital[1].
C’est la portion de travail emmagasinée dans le capital que le collectivisme a l’habitude de méconnaître. Cependant, tout comme la conception et la direction des entreprises, comme le commerce et la direction des échanges, l’épargne ou la capitalisation est une des formes du travail mental et souvent même moral. Courcelle-Seneuil appelait l’épargne un travail ; on s’en est étonné : les psychologues nous apprennent pourtant que l’effort « d’inhibition, » ce « serre-frein moral, » réclame autant de volonté, souvent plus, que l’effort d’impulsion. Ne faut-il pas autant de force pour renverser la vapeur dans une locomotive que pour la laisser se précipiter en avant ? Voici un homme qui, au lieu de tout dépenser, s’impose une privation ; pouvez-vous nier que cette privation ne soit analogue, par son caractère d’effort volontaire et pénible, à l’effort même qui fait le fond du travail ? Capitaliser est donc bien travailler. Si, maintenant, l’homme qui a épargné un capital, le met à votre disposition, au risque de le voir perdu par votre faute, pouvez-vous prétendre qu’il ne vous rend pas un service ? Ce service mérite-t-il ou ne mérite-t-il pas une rémunération de votre part ? En outre, s’il vous permet de mener à bien une entreprise qui, sans cette condition, eût été impossible et qui vous enrichit, le capital n’a-t-il pas été productif tout comme la main-d’œuvre ? Le capital a été justement défini une puissance de reproduction. Les richesses sont vite anéanties, moissons, alimens, vêtemens, meubles, etc. ; la terre même a besoin de se renouveler sans cesse par l’engrais et par le labour, les maisons ont besoin de réparations ; ce qui subsiste, en définitive, c’est le moyen de reproduire les richesses et de les augmenter. Ce moyen est un résultat : 1° des inventions, effort intellectuel ; 2° de l’épargne, effort moral. Capitaliser, d’ailleurs, n’est pas seulement une loi économique, c’est aussi une loi biologique. Tout le corps de l’animal et même de la plante est organisé pour fixer et emmagasiner des forces, qui plus tard seront prêtes à l’action. La mémoire est un capital et le cerveau est fait pour retenir une quantité infinie de moyens
- ↑ Voyez Novicow, Les gaspillages des sociétés modernes ; Alcan, 1893.