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C’est aux Gallois que revient l’honneur d’avoir tenté le premier rapprochement entre les cinq grandes familles de race celtique [1]. Il existe dans le pays de Galles une association puissante nommée le Gorsedd beird ynys Prydain, ou « Trône des bardes insulaires, » et sur laquelle nous reviendrons plus loin. Cette association délégua, en mai 1897, son barde-héraut à Dublin pour assister à la restauration du Feiz-Ceoil irlandais. Les Irlandais se firent représenter à leur tour par une délégation à l’Eisteddfod (assemblée) de Newport. Quelque temps plus tard, d’autres délégués irlandais et gallois prenaient part au Mod de l’Ecosse gaélique.

Ainsi s’affirmait, dès 1897, l’entente morale des trois principales familles celtiques de la Grande-Bretagne. Pour cimenter le rapprochement, on décidait qu’un grand congrès panceltique s’ouvrirait dans la capitale de l’Irlande « à l’aube du prochain siècle. » En attendant, le conseil de l’Eisteddfod galloiise conviait à Cardiff, pour le mois de juillet 1899, les délégués des nationalités écossaise et irlandaise. La France n’était pas oubliée dans ces fêtes. Se souvenant qu’au point extrême du pays, sur le dur granit armoricain, toute une province avait conservé sa forte empreinte originelle, sa langue, ses mœurs, son patrimoine de traditions et de croyances, un délégué du Feiz-Ceoil irlandais, M. Fournier d’Albe, se rendait à Morlaix au mois d’août dernier et invitait officiellement le comité de l’Union régionaliste bretonne à l’Eisteddfod de Cardiff et au Congrès panceltique de Dublin. Le comité de l’Union régionaliste acceptait. D’autres adhésions parvenaient coup sur coup des différens groupes celtiques établis à l’étranger et spécialement des États-Unis, du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et des Indes. Le mouvement qui avait laissé de côté jusqu’alors deux provinces anglaises d’origine celtique, mais dont l’une, le Cornwal, est complètement assimilée depuis la fin du XVIIIe siècle, et dont l’autre, l’île de

  1. Jusqu’alors il n’y avait eu de rapprochement qu’entre les Bretons et les Gallois d’une part, les Bretons et les Irlandais de l’autre. Il convient de rappeler cependant les eisteddfodau d’Abergavenny et de Caer-Marthen et le Congrès de Saint-Brieuc (1867), où figurêrent des délégations d’Irlande, de Galles, de Bretagne. À la dernière Eisteddfod de Cardiff n’ont pas pris part moins de vingt et un Bretons, parmi lesquels MM. Riou, de l’Estourbeillon et Le Gonidec, députés, MM. Bourgault-Ducoudray, Le Braz, Léon Durocher, Corfec, Radiguet, Vallée, etc. Une mentiun particulière est due à M. Jean Le Fustec, délégué général de la Fédération bretonne, qui, avec un dévouement admirable, s’était chargé de régler sur place tous les détails de la rencontre.