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ces monumens, c’est l’ingéniosité de ces nids ou de ces treillis de fer, impondérables à l’œil quand ils étaient nus, insoupçonnables dès qu’ils furent revêtus, armature commune de tous ces organismes si différens. Devant cette végétation de fer de plus en plus touffue et envahissante, nous reconnaissons la marche sûre et les fortes prises de la science. Et, quand par hasard cette armature, débarrassée de tous les matériaux qui la cachent, veut se suffire à elle-même et apparaît seule à nos regards, comme dans l’intérieur de quelques palais et dans le nouveau pont jeté sur la Seine, quand nous voyons se réaliser au seuil du siècle nouveau le vœu de ce poète du XVIe’ siècle :


Une maison d’arcal composée en réseaux,


ce n’est plus seulement de l’admiration pour la science, mais ce sont des inquiétudes pour l’Art.

Inquiétudes mêlées d’espérances, car, dans l’agglomération de toutes ces formules de bois, de pierre, ou reproduisant exactement celles du bois et de la pierre, le seul rameau nouveau, qui s’ajoute au vieil arbre touffu et confus de l’architecture universelle, est un rameau de fer. Que faut-il partager de ces inquiétudes ? Jusqu’où faut-il aller de ces espérances ? C’est ce que les exemples mis en foule sous nos yeux nous permettent peut-être de déterminer.

Le moment est favorable. Bien qu’assurément nombre de ces exemples nous aient été révélés dès les précédentes expositions universelles, ils ne comportaient pas alors, et nous n’étions peut-être pas préparés à y chercher encore une leçon définie. Il y a vingt ans, il y a dix ans même, le mouvement de curiosité passionnée qui nous poussait avec une égale ardeur vers tous les styles nous interdisait presque en art de prononcer le mot de « loi. » Aujourd’hui, après vingt années d’explorations et de découvertes, on sent le besoin de fixer et d’ordonner ses idées. La neutralité bienveillante envers tous les styles nous a permis de tout aimer et de ne rien choisir, de tout ressusciter et de ne rien faire naître. C’est fort bien, mais on se lasse de tout, même de l’indifférence, et voici maintenant qu’il ne suffit plus aux choses d’être nouvelles pour nous paraître puissantes, ni d’être étrangères pour nous sembler meilleures que les fruits anciens de la patrie. Nous avons été hospitaliers à toutes les idées venues du large, à tous les styles exhumés du passé, prompts à tous les engouemens.