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mais encore plus contre les malandrins, se faisait plus épais, plus compliqué, plus haut, plus plein, selon qu’on vivait dans plus de luttes, et plus simple, plus ouvert, plus bas, plus accueillant, selon qu’on vivait dans plus de paix et de sécurité. La forme de l’un tient donc au climat, la forme de l’autre à la civilisation. Le premier doit être étudié à la lueur de la géographie, le second, à la lueur de l’histoire. C’est pourquoi les architectures de même latitude ont souvent des toits qui se ressemblent et les architectures de même époque, — pourvu que ce soit dans la même civilisation, — à peu près les mêmes murs. Le pays se reconnaît au toit, l’époque au mur. Et ici, où tous les styles d’architectures sont réunis artificiellement sous le même climat, on peut, du premier coup d’œil. préjuger du pays d’où le monument est tiré par son toit et, de la tranquillité du pays, par son mur.

Ceci est souvent vrai des monumens publics, même des églises, et il suffit d’avoir passé sur la place Saint-Germain-des-Près et d’avoir regardé la formidable tour qui commande l’entrée de l’église, pour deviner qu’elle est d’un temps où l’on pouvait être réduit à se retrancher et à se défendre dans le sanctuaire. Mais c’est bien plus vrai encore de la maison privée, qui fut, dans les temps préhistoriques, un simple refuge, qui devint ensuite, chez tous les peuples jeunes et barbares, une forteresse, qui tint, dans les républiques italiennes, à la fois, de la forteresse et du palais, — et ce fut une grande époque ! — qui devint un simple palais, dans nos temps modernes, et qui, aujourd’hui, sauf quelques exceptions pompeuses et ridicules, tend à redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un nid.

Aujourd’hui, que cherche-t-on, en effet, d’instinct et qu’est-ce que le fer, par sa souplesse et sa légèreté permet de réaliser ? Qu’est-ce que les larges baies, les vérandahs, enfin les bow-windows cherchent à introduire dans la maison ? C’est l’air, c’est la lumière et c’est la nature. Les ouvertures des maisons, qui regardaient jadis au dedans du corps de logis, se sont tournées au dehors. Et les maisons elles-mêmes se sont orientées vers le paysage. Et là où il y avait deux paysages, elles se sont tournées vers celui où il y avait plus d’infini. Depuis Scheveningue jusqu’à Trouville, tous les yeux de toutes les maisons s’ouvrent vers le Nord et la nuit, l’oiseau qui passe aperçoit comme les feux d’une immense armée en armes campant au bord de la mer, la veille d’une expédition. A l’autre bout de la France, tous les