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dessein, très nettement indiqué par l’exposé des motifs, d’affranchir la diplomatie française de toutes les arguties que lui opposaient ses rivales et « d’assurer à nos nationaux et à nos produits une situation privilégiée dans la grande île. »

Les doctrinaires du protectorat, oubliant volontiers les dépenses militaires ou judiciaires que la France fait en Tunisie pour ne se souvenir que des beaux côtés du système d’administration inauguré par elle dans la régence, firent un assez médiocre accueil au projet concernant Madagascar. Assurément, ils ne contestaient point sa portée diplomatique ; mais ils gémissaient plus que de raison sur les conséquences administratives qui leur semblaient en découler. Parmi les régimes très variés que la France applique à ses diverses colonies, ils ne savaient rien ou ne voulaient rien savoir du mode très simple, très économique et très « indirect » qui est usité notamment dans nos récens établissemens de la côte occidentale d’Afrique ; ils ne voyaient ou ne voulaient voir que l’appareil compliqué et coûteux des Antilles et de la Réunion ; ils affectaient de prophétiser déjà pour Madagascar les misères et les dépenses qui résulteraient pour la grande île africaine de l’institution d’organes administratifs du type français, avec tout le cortège des complications qu’apportent la séparation des pouvoirs, la pluralité des juges, les conseils élus, la représentation parlementaire et le suffrage universel.

Les déclarations du ministre des Colonies devant la commission de la Chambre, et le rapport fait au nom de cette commission par M. Le Myre de Vilers firent justice de ces objections tendancieuses.

« Le projet de loi présenté par le gouvernement, avait dit le ministre, n’implique aucune conséquence nécessaire qui puisse entraîner des modifications dans l’administration du pays et obliger à l’application immédiate de notre législation, dans son ensemble, aux diverses tribus qui se partagent les vastes territoires de l’île. En d’autres termes, la formule de « colonie française » appliquée à Madagascar n’entraîne pas la création d’une administration compliquée, parce qu’il est possible de la mettre en pratique et d’organiser notre nouvelle colonie en utilisant le concours des autorités et des institutions locales ; des instructions ont d’ailleurs été données déjà au résident général en ce sens. En outre, cette mesure n’est pas de nature à substituer, ipso facto, les institutions de la métropole à celles du pays, parce que les