sous leur roideur et leur emphase : exclusivement préoccupés de la forme, affectant une égoïste indifférence pour tout ce qui fait la vraie grandeur de l’homme, pour les problèmes qui bouleversaient leur siècle, ils manquèrent cette forme qu’ils cherchaient avec tant de passion, et ne comprirent pas que les grands sentimens font seuls les grands styles. » Naïf Henri Martin ! Évidemment il n’avait pas lu les Discours des Misères de ce temps ; et, au contraire, on vient de le voir, ni « les problèmes qui bouleversaient son siècle, » ni rien de « ce qui fait la vraie grandeur de l’homme » n’a été indifférent à Ronsard. S’il n’a pas cru, — et heureusement, — que la fonction du poète fût celle du moraliste, ou du controversiste, ou du pamphlétaire, il ne s’est point tenu du tout à l’écart des questions qui agitaient son temps ; et, quand il l’a fallu, nul, au contraire, on l’a pu voir, ne s’est expliqué plus franchement et plus hardiment. Que ne reproche-t-on aussi à Jean Goujon ou à Germain Pilon de n’avoir pas été Calvin ou Théodore de Bèze ? Non omnis fert omnia tellus. Étrange effet de l’esprit de parti ! le grand poète qu’on accuse de n’avoir pas « appartenu à la vraie France, » c’est celui qui, du premier jour, a éloquemment protesté contre l’appel que les Bèze ou les Coligny ne craignaient pas d’adresser à l’Allemand et à l’Anglais ! Mais, si les protestans, comme il disait lui-même, avaient eu son patriotisme.
Les reîtres, en laissant le rivage du Rhin,
Comme frelons armés n’eussent bu notre vin.
Je me plains de bien peu ! ils n’eussent brigandée
La France qui s’était en deux parts débandée
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Ni les blonds nourrissons de la froide Angleterre,
N’eussent passé la mer, achetant notre terre.
Et puisque, en revanche, rien n’a paru plus « français » ni plus naturel à d’autres ; puisque, aux yeux de quelques historiens, ceux-là « n’appartiennent pas à la vraie France » qui ont tressailli d’orgueil et de joie nationale à la reprise de Calais, mais ceux-ci sont les vrais Français qui ont vendu le Havre à l’Anglais, il importerait encore, pour ce seul motif, de remettre en lumière les Discours des Misères de ce temps.
Il y en a d’autres raisons, plus littéraires. On sait assez, depuis Sainte-Beuve, que ni les Sonnets de Ronsard, ni ses Odes même, ni peut-être surtout ses Hymnes n’ont mérité le reproche qu’on