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tous y venir ; 2° la publication complète et immédiate des discussions de cette Assemblée. Tout cela est un progrès considérable sur la situation antérieure. Ceux qui n’apprécient pas encore ce progrès à sa juste valeur lui rendront bientôt plus de justice en sentant se répandre dans l’air ce je ne sais quoi qui annonce dans un grand pays le réveil de la vie publique, et, si nous gardons la paix comme tout nous porte à l’espérer, cet heureux changement sera suivi de bien d’autres. »

Les partisans de l’Empire, cléricaux ou protectionnistes, qu’avaient blessés la politique italienne et la politique commerciale, et qui voulaient en enrayer le développement, se réjouirent de la force qui allait accroître leur résistance. Le gros du parti gouvernemental fut consterné. « Ces nouvelles conceptions libérales, écrivait Mérimée, me paraissent des plus étranges et j’y vois un sujet d’inquiétudes pour l’avenir[1]. » Les emportés ne disaient pas les décrets du 24 novembre, mais l’attentat du 21 novembre. Tenant en sens inverse et dans des vues contraires le même langage que les irréconciliables monarchiques ou républicains, ils déclaraient la liberté incompatible avec l’Empire : si on lui entre-bâillait seulement la porte, elle y passerait tout entière et détruirait le régime napoléonien ; l’Empereur, sans y être contraint, venait de décréter sa perte ; on ne l’avait pas soutenu, exalté, pour qu’il ressuscitât ainsi l’odieux parlementarisme.

Les habiles du parti procédaient avec plus d’astuce ; à les entendre, on grossissait l’importance du changement : il ne ramenait pas au régime parlementaire, dont l’Empereur continuait à avoir l’antipathie, il opérait simplement des modifications réglementaires accessoires à une Constitution dont le cadre restait et resterait immuable. On n’irait pas plus loin, l’œuvre constitutionnelle était terminée, on n’y ajouterait plus. Ainsi parlaient les Baroche, les Fould, les Billault, etc. Ils acceptaient l’innovation, mais pour la tourner, la restreindre, la paralyser et surtout en empêcher les conséquences ultérieures.


III

Je retrouve ma première impression dans la note de mon journal du 25 novembre. « Le décret d’hier me remplit de joie,

  1. A Panizzi, 27 novembre 1860.