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se serait sans doute effacé à la longue, si le gouvernement ne l’avait constamment ravivé par une politique tyrannique.

Un premier grief était la question des langues. Les fonctions publiques étaient généralement confiées à des Anglais qui ne parlaient ni le hollandais ni les langues indigènes. Le hollandais n’était pas enseigné dans les écoles ; tous les actes de procédure devant les tribunaux et toutes les pièces administratives devaient être rédigés en anglais ; quiconque ne comprenait pas l’anglais ne pouvait faire partie du jury. Ces mesures blessèrent l’orgueil national des Boers, au point qu’ils ne voulurent plus présenter de pétitions au gouvernement pour se soustraire à l’obligation de les rédiger en anglais.

D’un autre côté, les plus noires accusations étaient lancées contre eux par les Hottentots, et les Anglais y ajoutaient foi, en sorte que le nom de Boer était devenu en Europe un objet de mépris et même d’exécration. On leur attribuait d’horribles méfaits ; on les accusait d’exercer les plus cruels traitemens envers les Hottentots ; on disait même qu’ils assassinaient les indigènes avec d’effroyables raffinemens de cruauté. Sous prétexte de philanthropie et de propagande religieuse, ces calomnies étaient surtout répandues par les missionnaires anglais. Ces précieux auxiliaires de la politique d’expansion coloniale de l’Angleterre étaient envoyés en Afrique moins pour évangéliser les nègres que pour créer contre les Boers un mouvement hostile. Leurs accusations étaient si graves et si précises que le gouvernement institua une enquête. Cette enquête dura plusieurs mois. On examina soixante-dix affaires, dans lesquelles une centaine de familles se trouvaient impliquées, et on interrogea plus de mille témoins. Suivant l’assertion de Henri Cloete, qui assista à l’enquête en qualité de greffier, tout ce luxe de procédure aboutit finalement à ce résultat, que pas une seule des horribles accusations ne fut prouvée, et qu’on ne parvint à établir et à punir que quelques légères peccadilles qui avaient servi de fondement aux plus monstrueuses suppositions. Mais rien n’est vivace comme la calomnie. Des écrivains de la valeur d’Elisée Reclus n’ont pas craint de renouveler la légende de la férocité des Boers. A les en croire, l’occupation du Transvaal « fut accompagnée parfois de massacres atroces, d’exterminations en masse ; chaque progrès des blancs dans la direction du Nord devait s’acheter par le sang. » Toutes ces accusations ne reposent que sur les