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au nombre de cent cinquante, couchés dans la poussière autour du laager. Du côté des Boers, il n’y avait que deux tués et douze blessés, en dépit d’une grêle de projectiles déchargés par une nuée d’assaillans : on ramassa onze cent treize assagaies dans l’enceinte du laager, et on en trouva soixante-douze plantées dans la toile d’une tente de wagon. Mais ce qui changea la victoire en désastre, c’est que, dans leur retraite, les Matabélés emmenèrent avec eux tout le bétail des Boers : vainement le commandant Potgieter les poursuivit jusqu’au coucher du soleil, il ne put récupérer le butin. Depuis leur première rencontre, les Voortrekkers avaient perdu vingt blancs et vingt-six noirs, sans compter les blessés, 100 chevaux, 4 600 têtes de gros bétail et 50 000 têtes de petit bétail. On peut s’imaginer dans quelle terrible détresse se trouvait le camp de Potgieter : un convoi de 50 wagons, et pas de bœufs pour les tirer ; un grand nombre de blessés, et pas de quoi les nourrir ; on manquait de blé ; « mes enfans pleuraient de faim, » disait Sarel Cilliers. Pendant de longues semaines, ils durent attendre l’arrivée du secours que le commandant avait envoyé chercher à Thabanchu, la « Montagne Noire, » au pied de laquelle était campée la troupe des Voortrekkers commandée par Gert Maritz.

A la nouvelle du désastre essuyé par leurs frères, ces braves tinrent conseil. D’un esprit grave et résolu, comme les ancêtres de Leyde et de Haarlem, ils n’aspiraient nullement au carnage ; mais les Matabélés les avaient attaqués en traîtres et sans provocation ; ils avaient massacré une cinquantaine de leurs amis, ils avaient volé leurs biens et leurs troupeaux. Le 22 décembre 1836, ces héros se réunirent en une grande assemblée et élurent leur premier Volksraad, sous la présidence de Gert Maritz. Au nombre des sept membres désignés figurait Daniel Kruger, le père de Paul Kruger. Le conseil résolut de punir Moselikatse et de venger leurs amis. On mit sur pied un commando composé de 107 cavaliers d’élite, 40 Griquas et 60 Cafres, tous bien montés et bien armés, sous les ordres de Gert Maritz. Le 17 janvier 1837, ils attaquèrent à l’improviste Mosega, un des kraals militaires de Moselikatse, et le chef des Matabélés paya chèrement sa trahison par la perte de plusieurs centaines de guerriers. Les Boers reprirent leurs chariots et 6 000 têtes de bétail, et retournèrent triomphalement dans leur camp.