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entre les rivières Vet et Vaal ; Retief, avec Maritz et Uys, jugea qu’il valait mieux aller au Natal. Retief, qui n’était pas seulement un héros, mais aussi un homme d’État, entrevoyait les futures destinées des Voortrekkers, et il considérait comme une condition essentielle du développement de son peuple la faculté de se mettre en relations directes avec les autres nations. Il voulait donc conquérir pour les Boers un port de mer. Son rêve fut bien près d’être réalisé par l’occupation du Natal ; mais l’Angleterre, l’éternelle antagoniste des Boers, y mit obstacle.

Les Voortrekkers se préparèrent donc à traverser la chaîne du Drakensberg, qui les séparait de la contrée qu’ils avaient en vue. Mais, à peine s’étaient-ils mis en route, qu’un incendie de prairie éclata et prit une telle extension qu’ils durent renoncer à poursuivre leur marche et attendre les premières pluies de l’été. Retief résolut de mettre ce temps à profit pour aller reconnaître le Natal et rechercher un port convenable. Il se mit à la tête d’une petite troupe de reconnaissance composée de quinze cavaliers, et partit aux premiers jours d’octobre pour le pays de ses rêves.

Lorsqu’ils découvrirent, du haut du Drakensberg, la merveilleuse contrée qui s’étendait à leurs pieds, ils durent être ravis d’enthousiasme. Comme, dans ces régions australes, le mois d’octobre correspond à notre mois d’avril, le Natal dut apparaître à ces premiers pionniers dans sa beauté printanière, avec son océan de montagnes et de forêts, avec ses vallées et ses rivières. A mesure qu’ils descendaient du haut des monts, ils étaient de plus en plus captivés par la beauté enchanteresse de cette terre promise, dont l’exubérante végétation annonçait la fertilité. Ce qui dut les surprendre au plus haut point, c’était la solitude qui régnait autour d’eux. Partout les plantureuses campagnes se montraient pourvues de bétail et de gibier de toutes sortes, mais ils ne rencontraient pas un seul être humain. Depuis la cime du Drakensberg jusqu’à la baie de Natal, ils n’aperçurent pas un Cafre. Mais partout ils pouvaient voir les ruines des kraals qui portaient encore les traces d’une récente dévastation.

Quand Relief arriva à la baie de Natal, le 19 octobre 1837, il y trouva environ trente Anglais, mais pas une seule femme blanche. Ces Anglais se considéraient comme indépendans : ils avaient sous leur autorité les chefs d’un certain nombre de tribus cafres qui avaient fui la tyrannie de Chaka et de Dingaan. Retief