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SANTA MARIA DELLA SPINA


Au bord du fleuve semble à l’ancre une chapelle,
Très ancien bijou de marbre ciselé,
Qui découpe en plein ciel, comme au temps en allé,
Ses flancs de mosaïque et ses mâts de dentelle.

Joyau mort, enchâssé dans la tombe du quai !
L’Arno, sans une voile, épand ses eaux nouvelles.
On bénissait de là les blanches caravelles
Et les bateaux de pêche à l’heure d’embarquer.

Sur les mers où régnait le gonfalon de Pise,
Comme de grands essaims d’oiseaux aux ailes grises,
Des flottes s’envolaient vers les quatre horizons ;

Les cloches ne sonnaient que butins et victoires,
Et la petite église avec ses oraisons
Donnait la clef d’un monde à ces pêcheurs de gloire !


NAIN


Un grand combat tournoie au-dessus des remparts.
Des nuages roux brûlent dans le ciel farouche ;
Le sang ruisselle et fume, et le soleil se couche
Sur la pourpre en lambeaux d’éclatans étendards.

Les créneaux s’ouvrent comme une blessure fraîche.
On dirait l’un des soirs tragiques et lointains,
Où dans le corps à corps des assauts florentins
La ville se faisait massacrer sur la brèche.

Le faîte du mur rouge est à présent tout noir.
L’âme éparse des morts flotte à travers le soir
Qui solennel descend sur la place du Dôme.

Un seul être vivant s’y traîne à petits pas ;
Et c’est le dernier fils des glorieux fantômes,
Nain difforme et goitreux qui ne se souvient pas.