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LES CHAINES DU PORT


Guirlandes à l’oubli, de souvenirs tressées,
Les chaînes du vieux port dans le Campo-Santo
Suspendent, comme un lourd et funèbre ex-voto,
Le sang noir et rouillé des batailles passées.

Et c’est un va-et-vient de barques au soleil,
Les rames secouant des diamans d’eau claire,
C’est la mer sous le choc furieux des galères,
Le fleuve qui de glauque est devenu vermeil !...

Un jour Florence, avec la ville, prit les chaînes.
Et puis le temps coula qui nivelle les haines,
Et le vainqueur rendit son trophée au vaincu.

Mais du port d’autrefois il ne restait plus trace
Que dans l’emblème vain de ces anneaux rompus
Qui n’ont su retenir le temps ni l’eau vivace.


LE DOME


Un monde vient finir à ses portes d’airain.
Mais dans la nef obscure un autre recommence :
Sang et gloire, splendeur à l’horizon immense.
Vaisseaux blancs chargés d’or parmi le vent marin !

Et les cierges, l’encens qui fume, les cantiques
Prolongent le frisson des huit siècles épars
Du pavé de tombeaux au plafond d’étendards,
A travers la forêt des colonnes antiques.

La morsure des jours sur le marbre inusé
Glisse, muette, avec la douceur d’un baiser.
Le temps s’efforce. Pas une pierre ne bouge.

Et de son regard fixe où tient l’Éternité,
Toujours le Christ géant dans l’abside incrusté
Regarde évoluer les lents chanoines rouges.