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reproche pas au gouvernement d’aller trop loin dans le sens de sa politique. Au contraire, il lui reproche de ne pas aller assez loin ; de poser des principes admirables, mais de ne pas en tirer toutes les conséquences qu’ils comportent ; de présenter des projets de loi qui sauveraient vraiment la République, mais de ne rien faire pour les faire voter ; en un mot, de se borner à des manifestations, quand il faudrait des actes. De plus, les projets de loi déposés par le ministère ne sont pas complets. La licence de la presse est devenue intolérable ; la loi de 1881 a un besoin urgent d’être modifiée. Il nous est arrivé assez souvent de le penser, et même de le dire ; mais encore faut-il savoir quel genre de modifications le ministère se propose d’apporter à la loi sur la presse. Attendons le projet annoncé. Ce qui, dès maintenant, nous inspire quelque défiance, c’est que M. Waldeck-Rousseau, répondant à M. Gouzy, son interpellateur complaisant, lui a donné raison sur tous les points. Il a reconnu que ses meilleures intentions avaient été accompagnées de faiblesse dans l’exécution : mais, en faisant l’aveu de sa faute, il a promis de s’en corriger. Toutes les lois qu’il a présentées et qu’il a laissées dormir dans les oubliettes parlementaires, vont en être retirées. On va les discuter ; on va les voter. Il y avait quelque chose de navrant à entendre M. Waldeck-Rousseau faire son mea culpa de ce qu’il n’avait pas été encore assez radical, assez socialiste, assez jacobin. C’est ce qu’il a appelé revenir aux véritables traditions du parti républicain ! Il en était donc sorti ? Il s’en était donc écarté pendant de longues années ? Il les avait donc méconnues et reniées, ces traditions qu’il invoque aujourd’hui ? A supposer qu’il ait raison maintenant, on se demande quelle confiance doit inspirer un homme qui a eu tort si longtemps et qui s’en est aperçu si tard. Il est pénible de voir un orateur de talent brûler ce qu’il a adoré et adorer ce qu’il a brûlé. Mais ce talent lui-même, qu’est-il devenu ? Avouons qu’il était difficile à M. Waldeck-Rousseau d’en faire preuve dans les conditions où il parlait. C’est à peine s’il pouvait terminer une phrase. Presque à chacune de ses paroles, une véritable houle d’interruptions tombait sur lui avec fracas. Triste spectacle que celui de la Chambre, le premier jour de sa rentrée : mais, quelques jours plus tard, on devait voir mieux encore. Le sentiment de l’opposition, et d’une opposition grandissante d’heure en heure, a été exprimé par M. Ribot. M. Waldeck-Rousseau s’était attaqué, en M. Ribot, au président de la Commission de l’enseignement, cette commission qui a fait si bon marché des projets du gouvernement et qui les a, croyons-nous, définitivement enterrés. On pensait que M. Waldeck-Rousseau en avait philosophi-