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appliqué à rendre aussi brève que possible la période électorale ; il a voulu limiter l’agitation dans le moindre espace de temps ; mais elle peut prendre en profondeur ce qu’on lui refuse en étendue. Il suffit, d’edlleurs, pour mettre le gouvernement dans un cruel embarras, que le statu quo actuel soit maintenu. Si les électeurs renvoient à Montecitorio la même Chambre qui vient d’en sortir, le ministère Pelloux aura été battu, et il se trouvera dans une situation plus difficile encore (jue celle dont il cherche en ce moment à conjurer le danger.

Nous avons raconté, à mesure qu’ils se produisaient, les événemens qui ont préparé et amené la crise. Après les émeutes qui, il y a plus de deux ans, ont ensanglanté plusieurs villes italiennes, et en particulier Milan, le ministère de cette époque a cru indispensable de présenter un certain nombre de projets de loi auxquels il attachait un caractère de salut public. Le général Pelloux a persévéré dans cette voie. Il s’est porté fort de faire aboutir les projets en question. N’avait-il pas la majorité, et ne fait-on pas tout ce qu’on veut lorsqu’on a la majorité ? Dans les époques normales, oui peut-être ; mais, dans les autres, pas toujours. La minorité, sentant sa faiblesse numérique, a résolu d’y suppléer par l’obstruction, et elle a ajouté quelques perfectionnemens à ce procédé, qui de’ient d’un usage constant dans l’Europe centrale, depuis le Sud jusqu’au Nord, c’est-à-dire depuis Rome jusqu’à Vienne et à Berlin. Puissions-nous en être préservés nous-mêmes ! Quand on est les moins nombreux, on l’est pourtant assez pour faire du bruit, et il suffit de faire du bruit pour empêcher toute discussion et tout vote. Que peut alors la majorité ? Rien ; il n’y a aucun moyen de faire obstruction à l’obstruction. Quand elle s’introduit dans une assemblée, elle y règne tyranniquement. Aussi aisément qu’un enfant fait dérailler une locomotive avec une pierre, une minorité, même infime, fait dérailler toute la machine parlementaire, encore plus délicate qu’elle n’est puissante.

Quoi qu’il en soit, l’opposition italienne s’est résolue à faire de l’obstruction systématique aux projets de loi du gouvernement. Celui-ci a cru ingénieux de sacrifier le présent à l’avenir. Il a renoncé à ces lois de défense qu’il avait présentées jusqu’ici comme indispensables et s’est appliqué de toute son énergie à obtenir une simple réforme du règlement. Peut-être y avait-il de sa part quelque candeur à croire qu’une réforme de ce genre aurait tous les résultats qu’il en attendait : pourquoi un règlement obtiendrait-il plus de considération que les lois fondamentales du gouvernement parlementaire ? Où une muraille a été inutile, une toile d’araignée risque de l’être encore plus. Encore