si cette politique persistait, à sortir de la Confédération, et à s’unir aux ennemis de l’Autriche à la prochaine conflagration européenne. Rechberg, tout en protestant de ses intentions amicales, répliqua avec raideur : « Si le cabinet de Berlin constate avec amertume que son influence s’efface là où elle devrait régner toute seule, il faut en voir la cause dans le contraste entre l’attitude légale résolument prise par le gouvernement de l’Autriche et l’attitude incertaine et agressive récemment inaugurée par le gouvernement prussien. » Cette hauteur de l’Autriche anima les petits États. Leur langage devint aussi provocateur que celui de Bismarck : « Jamais les circonstances ne leur avaient offert une occasion plus favorable de ruiner l’influence prussienne qui les démolit pièce à pièce. Retarder la lutte qui est inévitable avec le chef actuel du cabinet, ce ne serait donc qu’en rendre les chances plus périlleuses. »
Bismarck ne demandait pas mieux que de pousser les choses à l’extrême, car dégainer le plus vite possible était le plus cher de ses désirs ; mais il ne pouvait s’engager dans une guerre contre l’Autriche et les petits Etats, sans s’être assuré des dispositions de l’Europe. L’Angleterre éloignée et impuissante ne pouvait intervenir que par des circulaires, et Bismarck ne s’en inquiétait pas. Il devait au contraire tenir grand compte de ses deux puissans voisins : la Russie et la France. La Prusse n’avait de relations assurées avec aucun d’eux. Le Tsar était attaché au roi, et Gortschakof à Bismarck ; néanmoins, entre les deux cabinets et, plus encore, entre les deux peuples, subsistaient des traces assez sérieuses de la mauvaise humeur occasionnée par les condescendances, excessives selon les uns, insuffisantes selon les autres, envers les puissances occidentales pendant la guerre de Crimée.
Les deux chancelleries ne se refusaient pas les petites taquineries. Bismarck avait consacré définitivement la pratique établie par Bernstorff de ne plus rédiger qu’en allemand les notes prussiennes jusque-là écrites on français. Gortschakof répondit à l’innovation par l’envoi d’une note en russe que personne ne comprenait au ministère. Bismarck, piqué, la fit reléguer ad acta, décida qu’on ne tiendrait compte que des documens rédigés en français, anglais ou italien. L’ambassadeur russe, Budberg, continuait néanmoins à envoyer ses notes russes, qu’on renfermait de même soigneusement dans l’armoire aux oubliettes. Il vint enfin lui-même demander pourquoi on ne lui répondait pas. — Répondre,