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feux sur les côtes, et ouvrir une route carrossable, aujourd’hui presque achevée, dans des terrains argileux et montueux comme ceux qui séparent Tananarive d’Andevorante[1]. Tout cela fut préparé ou mis en train dès 1896, mais le plus gros œuvre, un chemin de fer, restait en suspens : ni les études n’en étaient faites, ni l’argent n’était prêt pour y subvenir[2].

L’esprit humain, si ingénieux soit-il, n’a encore inventé que trois systèmes, ou plus exactement trois catégories de systèmes, — car les nuances peuvent varier dans chaque application, — pour obtenir la construction d’une voie ferrée un peu coûteuse : l’Etat opère par lui-même, avec les ressources du Trésor public ; il s’en remet à des compagnies privées, auxquelles il promet une garantie d’intérêt pour les capitaux qu’elles engageront dans l’affaire ; il laisse faire des particuliers et ne leur donne, pour tout encouragement, que des concessions de terres ou de forêts encore inexploitées. Le premier de ces systèmes, très en faveur en Russie, n’a encore que peu de vogue en France, quoique, après des expériences très dispendieuses il est vrai, mais très concluantes, il donne aujourd’hui des résultats favorables au Soudan[3] et en Indo-Chine. Le second, celui de la garantie d’intérêt, est particulièrement de mode sur notre vieux continent gallo-romain : on le connaît trop pour qu’il soit utile de rappeler ses avantages et ses inconvéniens. Quant au troisième, il a permis aux Etats-Unis de l’Amérique du Nord de se procurer une large partie de leur réseau ferré, tout en assurant du même coup la mise en valeur des régions traversées par les locomotives, puisque les concessionnaires sont intéressés à tirer profit du sol en même temps que de l’exploitation de la ligne.

Il ne manquait pas à Paris de groupes financiers enclins à

  1. Une concession du 6 octobre 1897 autorisa une compagnie privée à relier Andevorante à Tamatave en perçant un canal à travers les lagunes (pangalanes) qui bordent le rivage de la mer. Elle a été modifiée par décrets des 19 et 20 août 1899
  2. On se rappelle qu’à peine installée dans l’Ouganda, l’Angleterre a décidé d’y construire, aux frais de l’État, une voie ferrée du lac Victoria à Mombassa. sur un parcours d’environ 600 milles. On avait pensé que la construction durerait trois ans et coûterait 86 000 francs par mille. Commencé en 1895, le travail n’est pas encore aux deux tiers, et la dépense a déjà dépassé les prévisions de plus du double, sans parler des hécatombes d’hommes et d’animaux causées par les maladies tropicales. Cela n’a pas ralenti le zèle du Parlement britannique à poursuivre l’entreprise : il vient d’accorder de nouveaux crédits pour son achèvement.
  3. Au Soudan, la voie ferrée se construit couramment maintenant, avec le génie militaire, au prix moyen de 65 000 francs le kilomètre, travaux d’art et matériel d’exploitation compris.