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pour moi ne fait aucun doute, elle fait du moins tout ce que je lui prescris sans la moindre objection, s’appliquant à cacher ses préférences pour les Anglais, s’efforçant par tous les moyens de prouver son dévouement à la France et se mettant franchement en avant dès que je lui adresse la plus légère observation. Jusqu’ici, son attitude m’est utile, me permettant de me servir de son influence pour mieux tenir la population. Elle sait d’ailleurs que je n’hésiterais pas à la déposer le jour où elle se permettrait le moindre acte à l’encontre de mes ordres. »

« Tous les fauteurs de désordre, ajoute le général Gallieni le 28 décembre[1], ont constamment invoqué les ordres de la reine afin d’entraîner les populations, ce qui prouve que celle-ci avait, dans les campagnes surtout, un prestige considérable qu’elle a conservé en partie. Si, à Tananarive même, ce prestige a diminué beaucoup, il n’en serait pas moins dangereux de songer dès à présent à la déposer... L’importance qui s’attacherait à un tel événement tend à diminuer à mesure que, par l’application de la nouvelle politique, les diverses provinces reçoivent leur autonomie. Le nom de la reine sera vite oublié en dehors de l’Emyrne et lorsque l’organisation nouvelle sera complète, je pense qu’il sera possible de décréter la suppression d’un rouage devenu inutile. » Et, le 28 janvier, il insiste : « De celle-ci (la reine), je ne m’occupe pour ainsi dire plus, si ce n’est pour arrêter ses velléités d’indépendance et pour l’empêcher de faire acte officiel d’autorité jusqu’au jour où, oubliée de ses anciens sujets, elle verra sa souveraineté effectivement réduite à néant et où la royauté tombera d’elle-même, à moins que je ne trouve auparavant l’occasion de la supprimer brusquement. Tel est le but que je poursuis lentement et avec toute prudence, sachant que je me conforme ainsi aux desiderata du département. Déjà je ne considère plus l’ancien gouvernement malgache comme un obstacle sérieux avec lequel je doive compter et mon attitude énergique du début a eu pour premier effet que les indigènes se sont vite habitués à ne tenir compte que des ordres à eux donnés par les autorités françaises ;

  1. Au rapport précédent, le ministre avait répondu le 9 janvier 1897 : « En ce qui concerne la reine, j’estime qu’il ne faut rien faire pour hâter sa dépossession à moins que sa conduite ne donne lieu de notre part ii de nouveaux reproches justifiés... Nous avons tout intérêt à jouer jusqu’au dernier moment de son ascendant, si minime soit-il appelé à devenir, tout en soulignant comme vous avez soin de le faire à chaque occasion publique qu’elle n’a désormais qu’un rôle subordonné à notre haute influence.